Chirac ou la consécration d’un roi fainéant

Jacques par-ci, Chirac par-là, il fut difficile d’échapper à ce couronnement post-mortem du 5e Président de la République (5e du nom).

Que retenir de ce concert de louanges ?

A première vue, qu’il vaut mieux être dans la tombe qu’en (fin de) vie. Après tout, Jacques Chirac l’avait lui-même dit : « On ne tire pas sur une ambulance ». On pourrait pousser la métaphore plus loin : « on ne tire pas sur un corbillard ». Après tout, à quoi bon enfoncer un peu plus quelqu’un qui va déjà descendre six pieds sous terre. On ne tire pas donc sur un corbillard, surtout s’il contient le cercueil d’un ancien Président de la République.  A croire que la mort apporte avec elle un voile d’oubli. Oubli des fautes. Oubli des erreurs. Le mort est nécessairement grand. Le mort lorsqu’il est Président est même gigantesque. On savait que les Français qui se plaisent à avoir tranché la tête de leur roi se satisfont tous les 5 ans d’oindre l’un des leurs des mêmes attributs royaux. On n’est plus à un paradoxe près au pays de Molière. Et  puis, c’est bien connu, il avait de l’allure ce Président là.

Avant de tenter de décrire le bilan de l’homme qui seconda Mitterrand par la durée de sa Présidence, quelle trace laissera-t-il dans l’imaginaire ?

Un homme aimé et aimant. C’est la première description qui saute aux yeux. Elle n’a pas attendu le décès de l’Homme, seulement son décès politique, c’est-à-dire sa retraite de la vie publique après la fin de son deuxième mandat.

Pourtant, derrière l’image qu’on lui prête, on oublie un peu vite le génie de la métamorphose et l’assassin de ses alliés.

Génie de la métamorphose d’abord. Comment mieux décrire cet être polymorphe, véritable caméléon ou phénix de la politique, par sa capacité à épouser toutes les modes au point de se régénérer sans cesse : fleurtant au départ avec certaines idées de l’extrême-droite pour inscrire ses pas (au moins dans les paroles) avec l’écologie à la fin de sa carrière.

En parallèle, Jacques Chirac fut un adversaire politique sans pitié avec ses propres alliés. Chaque génération compta ses morts politiques. Sa première trahison, véritable coup politique, fut porté contre un Gaulliste légitime, Jacques Chaban-Delmas. Déjà, le loup avait les dents longues. Son second coup est non des moindres : après avoir démissionné avec pertes et fracas du Gouvernement (1976), il allait porter un coup fatal aux ambitions de réélection de Valéry Giscard d’Estaing (VGE). Cette action en faveur de la gauche secret de polichinelle alimente une haine tenace du premier à l’égard du second, haine qui s’exprima au grand jour lorsque le procès Chirac risqua d’aller devant le Conseil constitutionnel et qu’un certain VGE, membre dudit Conseil déclara qu’il siégerait dans cette affaire – contrairement à son habitude. A cela, il faut ajouter la fameuse amitié de 30 ans qu’entretenaient Jacques Chirac et Edouard Balladur jusqu’à ce que les ambitions du second firent de l’ombre au premier et que la guerre des égos risqua d’emporter la droite dans l’abîme.

Que retenir de douze ans de Présidence, outre les affaires ? L’analyse de son premier mandat est réduite à portion congrue, cohabitation oblige.  Les deux premières années (1995-1997) n’ont pas laissé un souvenir impérissable, avec les tentatives de réformisme d’Alain Juppé, Premier ministre qui (se) heurtèrent les Français. 2002-2007 fut un immense gâchis et le long épilogue d’une carrière politique consacrée à la conquête du pouvoir et non à un véritable projet. Que retenir de cette Présidence fragilisée, voire éteinte, si ce n’est les coups de menton de son Ministre de l’intérieur et futur Président, Nicolas Sarkozy ?

Il y a celles et ceux qui pour se rassurer citent à outrance le refus de la Guerre de 2003. Mais, une action d’éclat ne suffit pas à relever une Présidence insipide ou terne.

Sa fin de vie fut à l’image de son deuxième mandat : une lente et silencieuse extinction.


Voir Jacques Chirac et l’Europe : une histoire de France

Préparation pour 2021 d’une série politique estivale : « Non, mais pourquoi tu as fais ça Jacques ? »

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