L’actualité doit être bien terne pour que certains se prennent de passion – à nouveau – pour la question du voile. Ce n’est pas comme si les sujets internationaux (COVID19, élection américaine, crise économique, etc…) manquaient pour occuper nos tristes soirées d’hiver.
Peut-être, est-ce une volonté d’ouvrir avant l’heure les débats sempiternels qui agrémentent les réunions de famille comme la dinde orne les tablées de Noël ?
De quoi parle-t-on cette fois ? De la dernière diatribe d’une élue de la République sur le port du voile d’une personne invitée à la tribune. Le sujet initial ? L’impact de la COVID19 sur la jeunesse et notamment les questions autour de la précarité. Sujet majeur mais sujet éclipsé par la prise de parole calculée de l’élue. Qu’importe ici le parallèle évident avec une autre sortie de piste d’un autre élu de la République – la République comptant beaucoup d’élus, qui aiment attirer à eux les lumières médiatiques -. D’une députée LAREM à un conseiller régional FN, il n’y a parfois qu’un pas – malheureusement. On évitera ici de mentionner l’intervention peu orthodoxe de Ségolène Royal dans ce débat-là. Si la religion était, selon K. Marx, « l’opium du peuple », la laïcité a tout pour être le crack de nos élites.
Il suffit d’évoquer de près ou de loin l’islam pour que tous les ayatollah de la laïcité sortent les armes à la main défendre ce sacro-saint principe. Au nom de la laïcité, comme au nom de la religion autrefois, on invoque les mesures nécessaires à prendre pour assurer un « bon ordre ». Ainsi, la laïcité interdirait les repas de substitution à l’école, elle exigerait l’interdiction du voile à l’université, elle réclamerait l’opposition aux constructions des mosquées. Plus récemment, elle s’opposerait au port de certains vêtements dans l’espace public, comme la burka avant, le « burkini » aujourd’hui. Ceux qui l’invoquent en ce sens s’étonnent ensuite qu’elle puisse leur être opposée à propos des crèches de Noël dans les bâtiments publics, à propos de l’octroi de noms de personnalités catholiques pour des lieux publics, à propos des subventions versées essentiellement à des églises au titre de la réserve parlementaire.
Qu’importe que la « laïcité » ici proclamée soit très éloignée de celle défendue par la loi de 1905 dont tous se réfèrent. La laïcité repose sur deux piliers : neutralité de l’État à l’égard des religions et liberté religieuse pour les individus. Ainsi, pour reprendre les mots d’A. Briand, rapporteur de la loi, « l’État n’est pas irreligieux ou religieux, il est areligieux. » Et lorsqu’un doute subsiste quant à l’interprétation de cette loi, A. Briand recommandait de privilégier l’interprétation la plus libérale à l’égard des religions. De tels propos ne devraient jamais manquer d’interpeller ceux qui se prévalent de l’esprit de 1905. Il en va pour les repas de substitution comme pour le reste : ce que la loi n’interdit pas, le bon sens devrait l’autoriser.
A croire que personne ne l’a lu, cette loi. Un comble pour un Législateur, non ?
Pour compléter : voir Manifeste de foi en la laïcité française