La COVID19 fait l’Union

Jolie victoire que celle décrochée par le couple franco-allemand à la suite d’un sommet européen plein de rebondissements et qui s’est étiré sur quatre journées durant (17-21 juillet 2020).

Une victoire telle qu’elle a eu l’honneur des gros titres de la presse nationale (l’Europe à la Une, et pour en parler en bien). Une avancée mise en exergue au cours d’un entretien du Président de la République au Journal télévisée de TF1 le soir même. On peut reprocher beaucoup de choses au Président de la république, y compris sur la scène européenne. Néanmoins, on ne peut que se réjouir de ce tropisme européen clairement affiché, qui se retrouve aussi bien dans des déclarations extrêmement fortes en faveur de la construction européenne, que dans un exercice de pédagogie assez inédit à ce niveau. La campagne de 2017 l’avait déjà montré. Emmanuel Macron n’a jamais eu l’Europe honteuse, à l’inverse de ses prédécesseurs. Au contraire il souhaitait incarner un ambitieux projet de rénovation (voir Discours de la Sorbonne : liste à la Prévert ou programme fédéraliste ?).

C’est chose faite aujourd’hui avec cet accord au bout de la nuit. Avant d’étudier le fond de l’accord, un petit mot sur le contexte. En effet, ces propositions inédites ont pu être adoptées grâce au revirement allemand. Là où la crise des dettes souveraines de 2010 avait laissé Berlin de marbre (voir Crise de 2008 : quel bilan 10 ans après ? (2/2)), la crise COVID19 a provoqué une étonnante prise de conscience. Il sera intéressant de chercher à comprendre les causes de cette nouvelle orientation. Certes, les origines et les conséquences (humaines) de ces crises sont radicalement différentes. Toutefois, on aurait tort selon moi de réduire la doctrine actuelle allemande à un simple changement de paramètre. Les mentalités ont aussi évolué, entre une Angela Merkel en fin de règne désireuse d’apposer une réalisation majuscule sur la scène européenne (voir Années Merkel : la raison allemande) et une population germanique soucieuse de ne pas passer deux fois pour le méchant de l’histoire. La place de l’Allemagne n’est plus la même sur la scène internationale. Entre l’immixtion nouvelle des starts up américaines dans le domaine de l’automobile et la concurrence toujours plus frontale de la Chine, le projet européen apparaît à nouveau comme l’échelle adéquate aux superpuissances. Il ne faudra pas oublier non plus l’absence des Britanniques au sommet – Brexit oblige. Or, sans les râleurs patentés de l’Europe, le camp des opposants a perdu son meilleur allié.

Etonnante prise de conscience collective lorsqu’on repasse à l’absence de l’Union européenne aux premiers jours de l’épidémie (voir Coronavirus : Où est l’Europe ?). Les Européens se sont entendus sur un mécanisme inédit, mélange de prêts à taux préférentiel et de subventions à l’égard des plus touché. 360 milliards d’euros pour les premiers qui devront être remboursés par les Etats emprunteurs ; 390 milliards pour les secondes qui seront elles remboursées par les 27 (et non directement par l’Etat en bénéficie). Elle est principalement là la solidarité. S’il y a bien quelques conditions, l’absence de veto permet toutefois d’éviter de gripper le mécanisme. Même les questions de l’Etat de droit n’ont pas été laissées sous le manteau et figurent clairement dans l’accord.

Seul bémol : la nouvelle baisse du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, confirmant une tendance répétée des Etats à vouloir toujours faire davantage avec toujours moins de moyens (voir Cadre financier pluriannuel : les bons comptes font-ils les bons budgets ?). Injonction paradoxale qui atteint chaque fois un peu plus le point de rupture. Le Parlement européen s’est résolument opposé à cette perspective. Reste à savoir si cette fois il maintiendra sa position (voir La revalorisation du Parlement européen : quel bilan ?). Deux autres critiques paraissent elles plus infondées, dénonçant les compromis d’adoption et son caractère temporaire
– les compromis sont la base de la construction européenne. Personne ne peut prétendre seul décider de la conduite européenne. Il faut donc faire un pas vers les autres si on veut avancer ensemble. (Je vous conseille au passage ce beau livre : Les compromis, inspirés largement du récit du collectif Les Grecques)
– le caractère temporaire. Les connaisseurs de la chose européenne vous le diront : le provisoire peut souvent devenir permanent. Le plus dur n’est pas de prolonger une règle mais d’en accepter le principe.

Reste la question du remboursement de ces subventions. Qui va payer ? Un impôt européen verra-t-il enfin le jour ? C’est désormais tout le chantier des prochains mois.

Qu’importe au fond les grincheux, l’Europe avance. A petits pas certes. Mais dans la bonne direction.


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