A force de fréquenter – de par mes récentes fonctions – le milieu hospitalier, certaines œuvres littéraires en lien direct avec ce domaine un peu particulier ont fini par attirer mon attention. Parce qu’il s’agit de mon quotidien actuel, j’ai longtemps hésité avant de me lancer dans ces deux lectures. A tort ou à raison. C’est en tout cas l’occasion ici d’évoquer deux livres bien connus, Le Lambeau de Philippe Lançon et Réparer les vivants de Maylis de Kerangal.
Si ces œuvres présentent beaucoup de points communs, avec des histoires qui se déroulent toutes deux dans l’hôpital (et notamment, avec un passage au sein du même établissement de santé : l’hôpital La Pitié Salpétrière, l’un des 39 hôpitaux de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et qui touchent à des opérations chirurgicales majeures en lien avec la greffe (interne comme externe), elles ont des partis pris radicalement différents. En effet, Le Lambeau constitue un récit autobiographique du journaliste qui raconte ses opérations et sa convalescence suite à l’attaque terroriste contre la rédaction de Charlie Hebdo. Réparer les vivants est un roman qui revient à travers le décès d’un personnage de fiction sur l’organisation et l’impact du don d’organe en France. Si le premier livre reste confiné à la sphère de l’intime et des émotions ressenties par l’auteur-narrateur, le second ouvrage arrive à conjuguer le ressenti de ces personnages avec une visée didactique sur le fonctionnement de la greffe d’organe. On y voit bien le cheminement des décisions qui doivent être prises, ainsi que l’organisation qui doit suivre derrière.
Et si autant j’ai adoré le deuxième livre, je n’ai pas aimé le premier. Ce n’est évidemment qu’un avis personnel sur cette question, non une quelconque vérité. D’ailleurs, ces deux livres ont été encensés par la critique littéraire. Mais là où le premier est très autocentré, le second arrive à conjuguer aussi bien une réflexion sur le deuil qu’une étude sur le don d’organe. Et derrière un procédé clinique et opératoire, un ballet savamment organisé, se cache la force d’un récit qui met toujours en avant les femmes et les hommes qui assurent la réalisation au bon tempo de cette course contre la montre. N’esquivant aucun sujet, ni le drame qui se joue, ni les questionnements qui restent. C’est à la fois un livre sur la mort mais aussi sur la vie, celle qui continue. Un très beau plaidoyer au passage pour le don d’organes.
Et là, où Réparer les vivants termine sur une renaissance, une nouvelle vie, Le Lambeau se clôt sur une deuxième attaque, une seconde mort. Là où le premier se termine sur une nouvelle page à écrire, le second n’arrive toujours pas à tourner la page.
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