Comme indiqué, ce blog démarre une nouvelle série autour du début de la Législature 2019-2024 du Parlement européen. Cette série consacrée à nos élus européens vise à saisir leurs premières impressions (voir Retour sur les premiers mois de mandat des eurodéputé(e)s)
Deuxième volet de cette série, c’est donc Eric Andrieu qui revient sur ses premiers mois comme eurodéputé. Actuellement membre du Groupe parlementaire Parti Socialiste Européen (en France, PS), il s’agit de son troisième mandat comme eurodéputé.
Entretien avec Eric Andrieu
1) Qu’est-ce qui vous a marqué le plus au cours de ces premiers mois ?
« Le plus marquant ce fut les rapports de force entre les institutions européennes. On a bien vu la stratégie du Conseil européen autour des « top jobs », afin de contester la procédure de « Spitzenkandidaten » qui donnait une prééminence au Parlement européen. On a vu le Conseil européen s’asseoir sur le Parlement de manière honteuse. C’est une méprise du fait démocratique.
Dans le Conseil européen, le vainqueur de cet accord autour des « top jobs », c’est Orban et ses sbires. Le Président français a cru maîtriser la situation, en refusant Weber. Au final, on se retrouve avec une organisation baroque. On a un Conseil européen qui porte a priori de grandes ambitions. Mais, dans les faits, il n’a pas les moyens de ses ambitions.
Ce qui m’a aussi marqué, c’est la difficulté avec laquelle a été élue la Commission et la mise en place difficile du collège des commissaires
Enfin, le Parlement européen est atomisé. La gouvernance est complexifiée. Il n’y a plus que des accords au coup par coup, qui complexifient les stratégies d’alliance. Il y a non seulement une fragilité entre les groupes, mais aussi une fragilité des positionnements au sein des groupes.
Le triangle institutionnel n’est plus un triangle d’or. »
2) Quels sont les événements le plus positif et le plus négatif que vous ayez vu/subi/rencontré ?
« Côté positif, même si je reste prudent en le disant, il semble y avoir une prise en compte du fait climatique comme élément majeur du nouveau mode de développement.
Côté négatif, on n’a pris la mesure dans les réponses apportées. Le Green Deal annoncé ne traduit pas cette prise de conscience en moyens concrets, ce qui constitue pour moi une grande source d’inquiétude.
Quatre paquets sont actuellement examinés (Green Deal, Cadre financier pluriannuel, Politique de cohésion et PAC). Il faut remettre les choses dans le bon ordre, au risque de manquer de cohérence. »
3) En six mois, avez-vous été sollicité par les autorités françaises (Ministères, Représentation permanente à Bruxelles, autres interlocuteurs, …) ? Trop ou pas assez selon vous ?
« J’ai vu récemment la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne.
Néanmoins, je suis rapporteur sur l’un des trois rapports de la PAC. Or, à mon grand regret, il n’y a pas de rencontre prévue avec le Ministre de l’Agriculture. Avec Stéphane Le Foll (Ministre de l’Agriculture sous François Hollande), il y avait des rencontres régulières dès nos arrivées respectives. »
4) En 6 mois, quel regard jetez-vous sur les lobbys ?
« Les lobbys, c’est comme le cholestérol, il y a du bon et du mauvais dans les deux. Ils défendent certes leurs intérêts. C’est leur rôle. Notre rôle en tant qu’élus, c’est de prendre la matière pour l’analyser et d’en tirer la décision. Certains lobbys (les mauvais) ne viennent que défendre des intérêts financiers.
Exemple français : le combat contre les pesticides. Le Conseil constitutionnel prend la décision de fabrication de pesticides français qui étaient interdits en Europe. Il y a des limites de décence et d’éthique. Entre la santé humaine et la financiarisation de l’économie, il n’y a pas à avoir de débat. »
5) Quelles sont vos attentes pour la mandature 2019-2024 ?
« Un engagement écologique fort. Pour cela, il faut que le politique réinvestisse le champ du politique. Si aujourd’hui on considère que le changement climatique est un enjeu majeur, il faut changer de modèle. Cela va perturber les systèmes actuels. Mais, le politique ne doit plus raisonner en terme de moyens. Il doit désormais prendre la dimension de l’enjeu. Aura-t-on le courage de faire ce constat ? Face à l’urgence climatique, il faut rendre possible ce qui semble impossible. »
6) Quel regard portez-vous sur le Brexit ?
« On a beaucoup parlé des conséquences pour le Royaume-Uni. On ne s’est pas assez questionné sur les conséquences pour l’UE. On ne s’interroge pas assez sur les problèmes sous-jacents révélés par le Brexit (rupture territoriale, chômage, périurbanité, …). Il faut faire l’analyse entre Européens des raisons du Brexit. L’année qui arrive est essentiel.
Dans cette histoire, il n’y a que des perdants. Pour l’accord, il faudra trouver un équilibre entre le trop et le trop peu. »
Pour mieux connaître Eric Andrieu, je vous invite à ouvrir la page dédiée à l’eurodéputé par le Parlement européen : ici.