
(Cathédrale Madrid)
Cet article sera consacré à un livre écrit – sans surprise – par Romain Gary. Curieux ouvrage toutefois que celui dont je vais parler aujourd’hui. Europa. A regarder le titre, cela pourrait paraître a priori comme une évidence. Ce blog n’est-il pas consacré aux affaires européennes ? Quatre articles n’ont-ils pas été écrits sur des romans de Romain Gary ? Il semblait difficile de ne pas rédiger quelque chose sur cet autre récit.
Et pourtant, pas facile de décrire ou raconter Europa. Rapidement, on pourrait le présenter comme un livre sur l’amour et l’Europe. Une Europe incarnée. Un amour désincarné. Curieux détour où la plupart des personnages sont évanescents, sans attache avec la réalité mais où l’Europe se retrouve dans l’héroïne. « Un très grand amour, ce sont deux rêves qui se rencontrent et, complices, échappent jusqu’au bout à la réalité. » Cette belle description ne vaut-elle pas aussi pour ce projet un peu fou que conçurent de par le continent quelques Européens précurseurs ?
Est-ce un appel à l’amour ? à l’Europe ? Aux deux ?
« Il est vrai qu’en dehors de son père adoptif elle n’avait guère connu d’hommes capables de se ruiner en sentiments. Les natures prodigues qui n’hésitaient pas à se laisser aller à ces admirables faillites et se trouvaient ainsi infiniment plus riches qu’auparavant n’étaient pas précisément une des caractéristiques de ce temps d’achats rapides. Seul le Baron n’avait jamais lésiné, n’avait tenu aucune comptabilité prudente du cœur, sa vie n’avait pas été une appauvrissante thésaurisation, mais un enrichissant gaspillage. Il était de ceux qui vont de faillite en faillite sentimentale sans jamais déposer leur bilan. »
On le sait, l’Europe au sortir de la 2e guerre mondiale, se retrouve partagée entre les deux grandes superpuissances que sont les USA et l’URSS. Et voilà au coeur de ce roman qu’on retrouve Erika symbole de cette Europe coupée en deux. « Elle se tenait à 4 pattes, les jupes relevées, la bouche pleine, et les deux qui s’acharnaient sur elle des deux côtés, l’une à l’Est et l’autre à l’Ouest, révélaient, d’une manière qui ne pourrait plus jamais être mise en doute, ce à quoi Erika se livrait avec tant de complaisance pendant ces « absences »
C’est une expérience certes étrange que de parcourir cette histoire de Romain Gary, où réalité et rêves sont entremêlés, où chaque nouvelle page pousse les personnages à fuir la première pour se jeter dans les seconds. Pouvait-on mieux décrire en définitive l’Europe que par ces quelques mots : « L’Europe demeurait un « ailleurs » sans cordon ombilical avec la réalité » ?
Aux amateurs de Romain Gary et d’Europe, ce livre constitue un détour incontournable !
Aux amoureux de l’oeuvre de Romain Gary, je vous recommande aussi notamment :
¤ Les Racines du Ciel (Prix Goncourt) : Les Racines du Ciel : une lecture en résonance avec l’actualité
¤ Chien blanc : Chien blanc, noirs desseins
¤ Les cerfs-volants : Les cerfs-volants : l’ode à la liberté de Romain Gary