(Illuminations – Turin)
Les années 2010 se sont terminées il ya deux jours. Et avec le changement de décennie vient le temps des bilans et des introspections.
Comment résumer ces dix dernières années en Europe ? L’exercice est difficile non seulement puisqu’il faut procéder à une sélection comportant toujours sa place d’arbitraire, mais aussi puisqu’il est parfois difficile de jauger l’importance des événements importants. Certains faits paraissent démesurément essentiels à l’instant présent mais ne tiendront pas cinq mois dans les esprits. D’autres, au contraire, peuvent sembler de prime abord anecdotiques et emporteront pourtant les conséquences les plus importantes.
Cela étant dit, entrons dans la décennie 2010. Sur cette période, une certaine fébrilité paraît être l’état habituel du continent : la crise. 2010 s’ouvre avec la crise des dettes souveraines qui menace d’emporter la zone euro dans son ensemble (voir Crise de 2008 : quel bilan 10 ans après ? (2/2)). 2019 se clôture avec le départ presque certain du Royaume-Uni (voir Triomphe pour Boris Johnson : vers une clarification autour du Brexit ?). Entre les deux : une crise humanitaire avec la question des réfugiés en 2015 (voir Aylan : le naufrage des valeurs européennes), le vote du Brexit dès 2016 (voir le dossier Brexit). Et encore des crises mineures ont pu s’ajouter. Ainsi, l’Union européenne a passé son temps à gérer des crises, les unes à la suite des autres, et parfois plusieurs en même temps. Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission européenne dans son discours de rentrée parlera même de « polycrise ». Les solutions – souvent des demi-mesures – n’ont jamais offert de réponses durables et se sont succédées à un rythme effréné. Les chevauchements sont ainsi la principale manifestation de l’incapacité des dirigeants à trouver des mesures à la hauteur des enjeux et des défis.
Or dans ce contexte extrêmement tendu, l’Union européenne a cherché sans cesse à parer au plus pressé, sans pouvoir interroger son devenir ou réfléchir à la suite. La rare entreprise de prospective de la Commission n’a intéressé personne (voir Les 27 en quête d’un cap). Il y avait pourtant des idées et des orientations à prendre. Le sens du projet politique s’est clairement émoussé, entre des Etats désireux de capitaliser au maximum sur les avantages directs et des citoyens désinvestis par la vie publique. A cela s’ajoute l’absence d’apports indéniables du Traite de Lisbonne qui devait remettre l’Union européenne sur de bons rails et qui s’est avéré dépassé dès l’année de son entrée en vigueur (voir Traité de Lisbonne : quel bilan 10 ans après ?). Comme toujours, c’était trop peu, c’était trop tard.
Quelles éclaircies dans le ciel européen à l’aube d’une nouvelle décennie ? La nouvelle Commission accouchée dans la douleur parait loin d’assumer ce rôle de moteur dont l’UE a pourtant tant besoin. Alors qui ? Les citoyens? C’est peut-être auprès d’eux qu’il faut espérer un potentiel sursaut. Après tout, l’augmentation de la participation aux dernières élections a témoigné d’un engagement renouvelé (voir Elections européennes 2019 : résultats et premières analyses – Participation en hausse et fragmentation du paysage politique). « C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière »
Suivra au fil du temps une série sur les différentes décennies que traversa l’Europe :
¤ Années 2010 : Années 2000 : une Europe entre euphorie et difficultés
¤ Années 1990 : une Europe en quête de sens face aux nouveaux défis
¤ Années 1980 : une Europe des grand pas
¤ Années 1970 : une Europe entre approfondissement et élargissement
¤ Années 1960 : une Europe des petits pas
¤ Années 1950 : une Europe entre utopies grandioses et réalisations concrètes
On pourrait résumer l’Europe des années 2010 en trois points :
_ multiplication des attentats islamistes et des crimes racistes (les deux parfois ensemble) : France, Angleterre , Allemagne, Belgique…
_ multiplication des zones de non droit dans ces mêmes pays et d’autres d’Europe de l’ouest
_ précarisation sociale et économique des populations européennes en forte hausse
On pourrait sans doute ajouter un quatrième point : capitulation de l’Europe face aux multiples ingérences étasunienne et turque.
Face à ces trois ou quatre défis majeurs, la réponse politique n’a pas été seulement inefficace, elle a consisté (notamment en France) en un mélange de déni, de clientélisme sordide et de fuite en avant. Donc à aggraver les maux déjà existants.
En l’état actuel des choses je ne crois nullement à un hypothétique sursaut, que ce soit au niveau des Etats ou au niveau europeen : tout semble au contraire indiquer une inéluctable poursuite dans la politique du pire.
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