Harry Potter : quel sort s’acharne sur J. K. Rowling ?

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(Musée – Bogota)

Aujourd’hui, j’ai décidé de m’attaquer à un monument de la littérature. Harry Potter. Un des livres les plus vendus au monde, au côté – excusez du peu – du Petit livre rouge de Mao, de la Bible et ses auteurs pluriels et d’une autre saga d’héroïc fantasy, Le Seigneur des Anneaux. Loin de moi l’idée de détruire vos rêves d’enfant, en ouvrant la discussion autour de cette série littéraire. L’intention non plus n’est pas ici de (re)faire le procès d’une « sous-littérature » (sic) dont Harry Potter constituerait le maître étalon, ni même de nier combien de gens ont pu être amenés à la lecture par ces livres. Disons-le d’emblée, j’ai apprécié, plus jeune, de lire Harry Potter. Ou plutôt, je l’ai apprécié jusqu’au sixième volet, Le Prince de sang-mêlé. Et c’est justement sur cet après-cinquième tome que j’aimerai revenir. Ultime précision/précaution : ce billet contiendra des spoilers.

J’ai longtemps cru que ce décalage survenu après L’Ordre du Phénix était dû à mon âge. J’étais certainement « trop vieux » – c’est-à-dire à peine majeur – pour apprécier une œuvre destinée principalement aux enfants. Et puis, l’Univers Harry Potter se poursuivant après les livres et les films tournés autour du personnage éponyme, je me suis demandé si le problème ne venait pas plutôt de l’auteure.

Parmi mes griefs, j’en pointerai principalement trois :
¤ une histoire écrite au fil de l’eau
¤ un final raté
¤ le syndrome « Georges Lucas »

Commençons par le plus simple. Le final raté. En effet, après sept volumes qui avaient décrit avec force la montée en puissance de Voldemort et les efforts désespérés d’Harry pour la contrecarrer, on était en droit de s’attendre à un final à la hauteur des péripéties précédentes. Au lieu de ça, on se retrouve avec Harry Potter qui par son sacrifice donne un totem d’immunité à tout le monde. Dès lors, Voldemort et consorts ne peuvent plus attaquer quelqu’un sans se désagréger en réaction. Sans parler du côté deus ex machina, transformant un combat acharné en victoire totale, il est difficile de ne pas évoquer la mort de Voldemort elle-même. Cet imbécile, visiblement pas assez échaudé par sa dernière mésaventure du même acabit (cf sa mort suite à l’attaque d’Harry Potter post-sacrifice maternelle), ne trouve rien de mieux que retenter le même sort. En plus, ce n’est pas comme si Harry Potter l’avait averti du destin funeste qui l’attendait.

Ensuite, entamons le point qui sera sans doute le plus sujet à débat. L’histoire écrite au fil de l’eau. La réputation de JK Rowling comme conteuse n’est plus à faire. Elle a su donner vie à un univers extrêmement foisonnant et riche. Pour autant, force est de constater que contrairement aux affirmations de l’auteure et à celles de certains de ses fans, elle n’avait pas un fil conducteur prédéfini. Plusieurs exemples pour avancer mon propos. Le fait d’annoncer quelques mois après la sortie de son dernier livre que Hermione aurait dû, selon elle, finir avec Harry, et non Ron. Outre le côté téléphoné de cette relation – le héros finit avec le personnage principal féminin -, cela témoigne à l’évidence de certaines hésitations. Plus parlant encore selon moi, l’histoire des Reliques de la Mort, décrite par Luna comme un des contes les plus connus du monde des sorciers. Or, cette histoire ne nous est indiquée que lors du dernier chapitre de la saga. Si JK Rowling y avait pensé dès le départ, elle y aurait fait une allusion discrète dès les premiers tomes, pour tout révéler au dernier moment. A ceux qui voudraient rétorquer que les Reliques de la Mort sont mentionnées à travers la cape d’invisibilité qui apparaît dès le premier tome, l’argument ne tient pas. Il s’agit plutôt d’un rattrapage de l’auteure qui se sert d’un objet précédemment distillé pour l’insérer dans une idée trouvée plus tardivement. Sinon, pourquoi aucun des personnages (de Hermione, à Ron en passant par Dumbledore) n’a fait le rapprochement entre cette cape et les fameuses Reliques ? Pourquoi personne n’a-t-il eu l’intelligence de se dire que c’était étrange qu’il puisse exister l’une des 3 Reliques, et pas les deux autres ? On peut d’ailleurs tirer la même analyse de la création des Horcruxes dont on n’apprend l’existence qu’au sixième tome. Alors, certes, là encore, le lien est tissé à travers le deuxième volet et le journal intime de Tom Jeddusor. Mais, mis à part ça, on n’a guère d’éléments probants. On pourra ici rétorquer que c’est de la magie noire et que ce n’était donc pas très connu. Néanmoins, cela donne aussi l’impression de rattraper le fil de quelque chose a posteriori, et non d’une trame initiée dès l’origine. Ce n’est évidemment pas en soi une tare de réfléchir à son histoire au fur et à mesure qu’elle l’écrivait. Néanmoins, cette écriture au fil du l’eau n’a pas été sans certaine conséquence fâcheuse. Comme ce fut le cas pour l’histoire des 3 Reliques de la Mort qui apparaît comme une arme ultime de dernière minute.

Enfin, dernière critique : le « syndrome Georges Lucas ». Georges Lucas, pour ceux qui l’ignoreraient, est le créateur de la saga Star Wars. JK Rowling et Georges Lucas ont connu le même problème. Tous deux ont inventé des univers à succès, qui malgré leur caractère extrêmement étendu, ont fini par enfermer leurs auteurs d’origine dans un carcan. Ainsi, difficile de ne pas dresser des parallèles entre les abysses de la prélogie Star Wars et des Animaux Fantastiques – surtout le deuxième épisode. Outre un scénario bâclé et des références plus ou moins réussies à la saga d’origine, ces œuvres souffrent de la comparaison avec l’œuvre d’origine, quand elles n’interrogent pas en plus sur leur opportunité artistique. Sans parler de la pièce de théâtre Harry Potter et l’Enfant maudit, qui ne trouve rien de mieux que de recourir au voyage dans le temps pour faire revivre Voldemort avant de le voir mourir à nouveau.

Dès lors, peut-être faut-il tirer une conclusion douloureuse, mais nécessaire : si Georges Lucas et J. K. Rowling furent de bons conteurs, ils ne sont pas forcément de bons gestionnaires de leur univers, à l’inverse d’un J.R.R. Tolkien.


Voir aussi les articles écrits sur deux sagas du VIIe art : Star Wars : l’heure de la normalisation ? et Rocky et Rambo : Sylvester Stallone derrière les clichés

Amateurs de littérature, je vous recommande la section dédiée aux livres : Littérature

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Sous Ma Plume dit :

    Bonsoir !

    J’ai lu ton article et je n’ai pas pu m’empêcher de vouloir écrire un commentaire afin d’argumenter sur les points que tu as émis et qui expliquaient pourquoi ton intérêt pour Harry Potter avait diminué avec les années.

    Tu trouves dans un premier temps que le final de la saga est raté et je comprends tes arguments. Seulement je crois qu’il y a quelque chose que tu n’as pas compris dans le sacrifice d’Harry : Son sacrifice est le même que celui que sa mère a fait pour le sauver. Celui qui a empêché Voldemort de le toucher jusqu’à ce que le sang d’Harry coule dans ses veines. C’est exactement le même sacrifice qui signifie simplement que l’amour que l’on met dans ses actes, peut être plus fort que tout. Quant à la mort de Voldemort, elle est justement le symbole de la futilité de la vie. On ne peut pas être immortel. Il a tenté de le devenir, mais il est mort comme un vulgaire mortel.
    Ce qu’il ne faut pas oublier non plus, c’est que Voldemort pense être le plus puissant. Il pense tout savoir, tout connaître. Mais il y a une chose qu’il ne connaît pas et ne veut pas connaître, c’est l’amour. Et lorsque Harry lui explique par A+B que l’amour est derrière pas mal de ses échecs à lui (le sacrifice de Lily, le double jeu de Rogue, le propre sacrifice d’Harry), il ne veut pas l’entendre, parce qu’il ne le comprend pas et trouve ça d’une très grande faiblesse. Quand on n’apprend pas de ses erreurs, ça peut nous être fatal. Voldemort a fini par l’apprendre et en mourir.

    Alors oui, je pense comme toi, que l’histoire a quelque part été écrite au fil de l’eau. Quand on écrit, on fait des choix et il peut arriver qu’on finisse par regretter ses choix. Mais quand le livre est publié, c’est trop tard. JK Rowling a peut-être regretté d’avoir mis Hermione avec Ron, mais heureusement qu’elle ne l’a pas mis en couple avec Harry ! Ca aurait été pire que tout. La vraie erreur selon moi a été de mettre Harry avec Ginny. C‘était une bêtise à mon sens. Mais l’histoire entre Hermione et Ron nous a été teasée depuis au moins le 4e livre, il ne pouvait donc pas en être autrement.

    Concernant les Reliques de la Mort, je comprends encore une fois ton interrogation. Pourquoi n’en parler qu’à la fin ? Mais il y a une chose très importante qu’il faut comprendre : Le lecteur lit la saga du point de vue d’Harry. Un jeune garçon qui a découvert qu’il était un sorcier à l’âge de onze ans et qui en découvre un peu plus chaque jour. Ce que je veux dire, c’est que nous découvrons l’univers en même temps qu’Harry le découvre. Harry ne connaît pas le « Conte des Trois Frères » et les Reliques, parce qu’il a vécu dans un monde moldu. Luna connaît le conte, comme Ron, parce que ce sont des sorciers au sang-pur et le père de Luna connaît les reliques parce qu’il est complètement loufoque et étrangement lucide à la fois.

    Pour la cape, si, Dumbledore a fait un rapprochement avec les Reliques bien avant la naissance d’Harry. C’est pour ça que c’est lui qui l’offre à Harry lors de son 1e Noël à Poudlard. Parce qu’il l’avait emprunté à James pour mieux l’examiner, avant sa mort. Il trouvait étrange qu’une cape ayant traversé des générations, soit toujours aussi solide et efficace. Il l’explique dans le 7e tome et parle même de ses regrets de ne pas avoir mis Harry dans la confidence plus tôt. Pour moi ce ne sont pas des rattrapages. Ce sont des choses qui avaient déjà été pensées un peu avant par l’auteur.
    Quant à partir à la recherche des trois Reliques : Grindelwald l’a fait et Dumbledore a possédé la baguette de sureau pendant plus de 50 ans ! Il le savait ! Et quand il a compris pour la cape, il avait deux reliques en sa possession ! Quand il a eu la bague, il a été tenté… Dumbledore les a cherchés en réalité, sans vraiment se l’admettre (ce n’est que mon point de vue évidemment). Ce que je veux dire c’est que les reliques ne tombent pas du ciel. Elles ont toujours été présentes. On n’en connaissait tout simplement pas la valeur et Harry non plus, forcément.

    Pour les Horcruxes, je vais avancer le même argument : puisque nous lisons l’histoire du point de vue d’Harry, on ne peut découvrir les Horcruxes qu’en même temps que lui. L’identité de ces objets ne peuvent pas sortir au hasard d’un couloir du château. Tant qu’Harry ne sait rien, on ne peut rien savoir non plus en tant que lecteur. Ce n’est qu’en relisant toute la saga par la suite, qu’on peut faire le lien entre les livres, entre les scènes et entre des petites répliques de différents livres…

    Les Reliques ne sont pas une arme ultime dans la saga. En réalité, l’histoire aurait pu s’en passer. On parle des Reliques de la Mort, parce que Voldemort en cherche désespérément une, sans même savoir que c’est une des trois reliques. Tout ce qu’il veut, c’est la baguette de sureau, le bateau de la Mort. Cette baguette légendaire qui rend invincible toute personne qui la possède (en oubliant au passage qu’elle tue également cette même personne). Il ne connaît pas le « Conte des Trois Frères ». Mais il faut qu’Harry puisse se défendre. La cape et la pierre ne l’aide pas à vaincre Voldemort. Elles sont simplement là pour qu’Harry puisse se découvrir lui-même dans une quête. Les Reliques de la mort ne sont pas une arme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Hermione tente désespérément de ramener Harry à la raison quand il en découvre l’existence et qu’il sait qu’il en possède deux. Les reliques ne lui servent à rien tant qu’il n’a pas détruit tous les Horcruxes.

    Concernant les « Animaux Fantastiques » et « l’Enfant Maudit», je ne vais pas argumenter dessus, même si je suis une très grande Potterhead (Serdaigle en plus de ça), que j’ai vu les deux premiers films du spin-off et que j’ai vu la pièce de théâtre à Londres. Tout ceci n’aurait jamais dû exister.

    Je suis donc d’accord avec toi 🙂

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    1. Nicolas dit :

      Bonjour,
      Tout d’abord, je te remercie pour ton long commentaire. Ce blog se veut aussi un espace d’échanges et de dialogue. Donc, tu as bien fait de prendre le clavier pour écrire 😊.
      Permets-moi à mon tour de répondre à certains des points que tu reprends. Nous ne serons certainement pas d’accord sur tout, mais peut-être que cela me permettra de préciser ma pensée (et notamment de mieux expliciter mes éventuelles déceptions).

      Je comprends le sens du sacrifice d’Harry Potter (et l’écho avec celui de sa mère). Mais là où sa mère par son sacrifice protégeait une personne – son enfant, Harry Potter offre un totem d’immunité à l’ensemble de ses camarades. C’est clairement détruire toute bataille finale.
      Et je sais que Voldemort n’a jamais compris « l’amour » au point de faire plusieurs fois la même erreur (du sacrifice de la mère d’Harry à Rogue). Mais là, Harry le prévient formellement. Pour un méchant censé quand même être un tant soit peu intelligent, je trouve sa fin bien minable.

      Pour le « Conte des 3 Frères », je partage ton commentaire sur le fait qu’Harry n’a jamais connu ce Conte puisqu’il n’a pas vécu étant jeune enfant dans le Monde des Sorciers. Mais, il aurait été possible, si J.K. Rowling avait eu l’idée en amont, d’y faire une discrète illusion dans le livre 1 ou 2, en mentionnant juste son existence. Et justement, si Ron est censé connaître le Conte, pourquoi ne fait-il à aucun moment le rapprochement avec ce Conte en voyant la Cape qu’il connaît bien ?
      Pour moi, les Reliques sont un « rattrapage de l’auteure », c’est-à-dire apposer une nouvelle dimension dont elle n’avait pas elle-même conscience à des objets qu’on avait effectivement déjà côtoyés comme la cape. Comme tu le signales, Dumbledore s’épanche longuement sur la cape au 7e Tome (soit au moment de la révélation). J’ai vraiment l’impression que l’auteure a cherché à développer un truc de dernière minute.
      Quant aux Horcruxes, je te rejoins. Mais, ce n’est pas le moment de la révélation qui me gêne. Il tombe plutôt bien. C’est juste que là encore, j’ai l’impression que l’auteure essaie de rattraper des événements passés. On aurait pu avoir beaucoup plus d’allusion notamment par Voldemort lui-même ou d’autres personnes.
      La Pierre de résurrection est quand même bien utile pour annoncer à Voldemort qu’il a perdu 😉. Mais, pour le reste, je suis d’accord que les Reliques sont globalement peu utiles. L’auteure aurait pu justement s’en passer.
      Ravi que nous tombons quand même d’accord sur l’essentiel : la nullité des tentatives d’univers étendu ^^.
      En tout cas, encore merci pour ton retour.
      Et au plaisir de te lire à nouveau

      Aimé par 1 personne

  2. Sous Ma Plume dit :

    Bonjour 🙂

    Oui c’est sûr qu’on ne sera pas forcément d’accord sur tout, mais ce n’est pas une mauvaise chose. Bien au contraire. Surtout que je comprends mieux ton point de vue. Je vais juste insister sur le point où Voldemort est au courant ce qui va lui arriver après le récit d’Harry. Pour moi, ce personnage est un magélomane buté. J’entends par là qu’on aura beau lui dire que le ciel est bleu, il considérera que l’autre a tort parce que l’autre est moins intelligent que lui, même s’il a raison que le mégalomane sait pertinamment que le ciel est bleu. Il dira quand même qu’il est vert. C’est pareil pour le discours d’Harry. Harry aura beau lui raconter tout ça, Voldemort se sent tellement puissant (alors qu’il sait qu’il est en échec), qu’il dira que ce que Harry lui raconte est absurde. Buté comme un âne. Et pour moi, sa fin se devait d’être minable pour justement rappeler le fait que Voldemort n’est rien d’autre qu’un homme.

    Demander à Ron de faire lae lien entre le « Conte des Trois Frères » et la cape d’Harry était beaucoup lui demander je pesne (je suis un peu vilaine pour le coup).

    L’écriture au fil de l’eau de JK Rowling ne me dérange pas et les rattrapage dont tu parles non plus, parce que pour moi, ce ne sont pas des rattrapages. Ce sont justement les raisons de l’écrire au fil de l’eau, qui rende la saga plus magique puisqu’on peut faire des liens entre les livres. Le tome 7 est un tome de révélation. C’est le dernier. Il est donc normal qu’on découvre (comprenne) tout à ce moment là. Je pense que c’est pour ça, que ça ne me dérange pas.

    Le gros souci, ce sont les spin-off 🙂

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