(Le Greco)
Boris Johnson a gagné son pari. Les élections anticipées du 12 décembre 2019 ont permis aux Conservateurs de retrouver une majorité confortable, moins de deux ans après l’avoir perdue. On peut certes être tenté comme certains de déplorer la pyramide des âges défavorable (orientation du vote marquée en fonction de l’âge : plus on est âgé, plus on est tenté de voter pour le Brexit) ou le mode de scrutin uninominal à un tour (celui arrivé en tête emporte l’élection). Stratégie déjà utilisée d’ailleurs au moment où un certain Donald Trump s’était retrouvé propulsé à la tête de la première puissance mondiale. A la suite de cette élection, les partis modérés devraient s’interroger sur la propension de leurs élus à être écrasé par la vague populiste. Il y aura besoin de plus que des slogans pour renverser une tendance de fond. Ce n’est pas en utilisant ses armes qu’ils parviendront à la combattre, mais bien en puisant dans leurs racines originelles.
Néanmoins, la réalité est là : les Conservateurs sont en tête, Boris Johnson est le grand gagnant et le Brexit est en marche. Plutôt que nier ou déplorer cette victoire, prenons un peu de recul sur les incidences de ces élections.
Le résultat de ces élections est-il si surprenant ? Je ne crois pas. Certes, j’aurai apprécié de voir à nouveau un Parlement britannique sans majorité, pour se moquer quelques mois de plus de l’instabilité chronique de mes voisins d’outre-Manche. Certes, les rebondissements à outrance et les communiqués colériques du DUP (le parti unioniste nord-irlandais) me manqueront. Mais, je pense qu’il est temps que le Brexit se réalise. Sur ce point, et depuis le début de ce blog, je n’ai pas changé (voir Brexit : une bonne chose pour l’Europe ?). Tout en étant profondément proeuropéen, je crois que l’Union européenne a besoin d’un événement comme pour le Brexit pour se réinterroger en profondeur non seulement sur ses missions mais sur son objectif. Si ce flou permanent vers la destination finale a pu longtemps servir la cause et permettre à la construction européenne d’avancer dans l’ombre, il est devenu dangereux au fur et à mesure des crispations et des interrogations des citoyens à l’égard d’une Communauté qu’ils ne comprennent pas.
On ne peut que se féliciter qu’enfin, ceux qui ont fait campagne pour le Brexit se retrouvent aux responsabilités. Que ce soit eux qui payent la responsabilité de mettre un terme à cette relation longue de plusieurs décennies. Qu’importe que certaines promesses de Boris Johnson semblent là encore bien téméraires. Qu’importe aussi que Boris Johnson fasse campagne contre une austérité que son parti a lui-même instauré. Qu’importe enfin que les saillies verbales de ce dernier vont empoisonner le quotidien des Européens pendant encore quelques temps.
Il va falloir que certains Européens comme les Britanniques europhiles cessent de se voiler la face, en pensant ou en souhaitant qu’il y aurait un coup d’arrêt sur le Brexit. Le Brexit doit avoir lieu. C’est non seulement salutaire pour l’Union européenne mais aussi pour son image. La démocratie, avec ses défauts et ses qualités, a parlé. Mettons en œuvre ce souhait, qu’importe ce qu’il en coûtera au final aux Britanniques. Car, c’est aussi un aspect encore négligé de ces élections, mais si les Conservateurs sont vainqueurs en Angleterre et aux Pays de Galle, le SNP (Parti national écossais) triomphe sur ses terres, alors que pour la première fois, les Unionistes perdent les élections en Irlande du Nord. Face au séisme du Brexit, des répliques internes sont possibles (L’Ecosse face au Brexit : une indépendance pour l’Union ?).
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment pour déterminer la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Et sur ce point, difficile encore de connaître la position exacte de Boris Johnson. Aux Européens d’être vigilants et efficaces pour avancer, sans ne jamais rien céder aux Britanniques (voir L’après Brexit : l’accord commercial 2/2)
Sur les derniers soubresauts du Brexit, voir :
¤ Le Brexit, c’est maintenant ?
¤ Les Britanniques sur le départ, les Européens au travail ?
¤ Brexit : les enjeux (Volume 2)
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