Jacques Chirac et l’Europe : une histoire de France

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(Dijon)

Parler des rapports qu’a entretenus Jacques Chirac avec l’Europe, c’est presque s’attaquer au particulier pour décrire une généralité. En effet, en cumulant l’ensemble de ses interventions et actions sur l’Europe, on retrouve un beau condensé de la relation complexe entre la France et l’Union européenne.

Chirac, un nationaliste par stratégie ?

C’est peu dire que la relation entre Jacques Chirac et la construction européenne n’a pas démarré du bon pied. On pourrait croire que ces rapports contrariés sont le reflet de sa fibre gaulliste, et d’un attachement à la souveraineté nationale. Il n’en est rien. Soucieux de se démarquer en tout point du Président Valéry Giscard d’Estaing – dont il fut le Premier ministre – alors résolument proeuropéen, Jacques Chirac prit le contre-pied complet et publia l’ « Appel de Cochin » en 1979. Une diatribe aux relents nauséabonds contre un « Parti de l’Etranger ». Il finira pourtant par rejoindre les partisans de ce projet.

Jacques Chirac s’est aussi illustré par des attaques régulières aussi bien contre la construction européenne que contre certains de ses membres. Si on se souvient moins de sa sortie contre la Belgique et les Pays-Bas désignés sous l’appellation de « narco-Etat », difficile d’oublier sa saillie verbale qui a marqué durablement les pays d’Europe centrale et orientale à propos de leur soutien à la Guerre en Irak : « Ces pays ont perdu une bonne occasion de se taire ». Cette remarque qui peut sembler anodine a créé la première brèche dans ce qui devait symboliser les retrouvailles des deux côtés du mur. On le sait, Jacques Chirac eut toujours un plus grand attrait pour la Russie de Poutine que pour ses partenaires européens de l’Est, contribuant à la création d’un climat de défiance et à renforcer par la même occasion l’Alliance atlantique au détriment d’une coopération européenne (voir OTAN en emporte les Etats-Unis).

De même, si le couple franco-allemand gagna quelques photos émouvantes, ce tandem se concrétisa aucune réelle avancée – sans oublier de saborder au passage le Pacte de stabilité en 2003 -, tout en affrontant les turbulences de rigueur (ici, notamment suite à la volonté de Jacques Chirac d’imposer que coûte que coûte et en dépit d’un certain bon sens, Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne – voir La nationalité des dirigeants européens est-elle un bon critère ?).

Son seul coût d’éclat véritable, mais là aussi dicté pour des considérations politiques internes : son départ en pleine réunion du Conseil européen pour protester contre le recours à l’anglais par le Président de l’UNICE (représentant le patronat en Europe, l’équivalent du MEDEF en France), le Français Ernest-Antoine Seillière. Une initiative chaudement saluée par le journaliste Jean Quatremer ici.

Chirac, un Européen opportuniste ?

Si Jacques Chirac n’a jamais eu une passion ardente pour l’Europe, il s’est souvent appuyée sur elle. Défenseur infatigable de la PAC (et ses milliards de financement pour d’agriculture française), il a bloqué toute évolution du budget ou réforme d’ampleur (voir La Politique agricole commune : stop ou encore ?). Déambuler au sein du Salon de l’Agriculture avait visiblement plus d’importance que construire l’Europe de demain.

Cette absence de flamme pour l’Europe a semblé particulière manifeste en 2005, n’étant pas sans rappeler une aventure similaire au Royaume-Uni en 2016 où le Premier ministre d’alors faisait campagne sans grande conviction.

Les tourments que connut la procédure de ratification du « Traité constitutionnel » doivent beaucoup à la décision de Jacques Chirac de requérir au référendum pour faire avaliser ce nouveau Traité (voir Traité constitutionnel : un échec pavé de bonnes intentions).

Certains s’offusqueront certainement qu’on puisse envisager une alternative au référendum. Comment la démocratie pourrait-elle se passer du peuple ?
Si la démocratie et  l’Europe ont besoin de l’appui du peuple, je ne suis pas certain qu’un recours à un référendum sur un Traité d’une centaine de pages était la meilleure idée (vous trouverez un argumentaire plus complet ici : Le référendum, outil démocratique ou arme populiste ?)

Si la parenté avec le geste de François Mitterrand pour le Traité de Maastricht est évidente, les résultats ne furent pas les mêmes. La faute déjà à une campagne globalement manquée. En même temps, parmi les têtes d’affiche du « oui », Valéry Giscard d’Estaing, fringant septuagénaire, venu exhorter les nouvelles générations à voter. On pourra déplorer le soutien du bout des lèvres de Jacques Chirac et un engagement plus que timoré. On était loin de l’investissement personnel de François Mitterrand. Et justement, seconde faute ensuite, ne pas avoir tiré les enseignements du précédent scrutin similaire. Le référendum de 1992. La victoire à l’arrachée du camp du « oui »  malgré les interventions répétées de François Mitterrand. Entretemps, en 2002, le Front national arrivait au second tour de la présidentielle. Le monde avait changé, le logiciel politique de Jacques Chirac non.

Jacques Chirac ne fut pas un grand Européen. Il ne vit l’Europe que comme moyen jamais comme une fin.

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