Il est évidemment trop tôt pour tirer un quelconque bilan de cette nouvelle Commission, qui n’a même pas pris ses fonctions. A l’heure actuelle, aucun des commissaires ni aucun de leurs portefeuilles n’a été validé par le Parlement européen. Et des changements de périmètre ou de personne ne sont pas à exclure.
Néanmoins, on ne peut que s’interroger a minima sur cette entrée en matière bancale. En effet, élue de justesse à la tête de la Commission après notamment une présentation manquée, Ursula von der Leyen continue de rater ses premiers pas. Elle a eu beau jeu de souligner que sa Commission était « géopolitique », petite allusion à l’adjectif accolé par Jean-Claude Juncker son prédécesseur à sa Commission » politique ». A la lumière de certains choix, on peut craindre que la Commission von der Leyen soit aussi géopolitique que la Commission Juncker fut politique. A savoir, inexistante (voir L’effacement de la Commission européenne : « et pourtant, elle tourne » !).
Par où commencer cet exercice ?
Sûrement, par l’aspect le plus malheureux, pour ne pas dire le plus douteux. Sans surprise, on doit mentionner l’intitulé du portefeuille de Margaritis Schinas, ex-porte-voix aphone de la Commission. « Protection du mode de vie européen ». Derrière cette appellation, rien de moins que le sujet de l’immigration. Certainement, Brice Hortefeux, toujours eurodéputé et toujours inexistant dans cette activité, appréciera l’inspiration, lui qui fut ancien Ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Néanmoins, il est incompréhensible qu’une telle dénomination ait été publiée, sans se douter qu’elle ferait polémique ! Quel manque de sens politique ! Etait-il nécessaire de faire des appels du pied au discours permanent de l’extrême-droite ? Sans surprise, cet intitulé a soulevé une bronca parmi l’ensemble des groupes politiques modérés qui ont demandé un changement de nom.
Le cas le plus litigieux ayant été abordé, intéressons-nous aux autres surprises de cette liste. On connaît la passion française pour créer des secrétariats d’Etat qui recoupent peu ou prou les attributions de leur ministre de plein exercice. Visiblement, cette habitude s’est étendue à l’Europe. Ainsi, de Frank Timmermans en charge d’un « Green Deal Européen » qui devra travailler avec Virginijus Sinkevicius en charge de l’Environnement et des Océans, sans parler de Kadri Simson en charge de l’Energie et Janusz Wojciechowski sur l’Agriculture. De même, Valdis Dombrovskis en charge de l’Economie avec Paolo Gentiloni en charge de l’Economie. On pourra aussi s’interroger sur le découpage des missions entre le Haut représentant aux affaires étrangères, Joseph Borell et Jutta Urpilainen en charge des partenariats internationaux. Rappelons quand même que l’une des innovations du Traité de Lisbonne était justement de mettre en place ce Haut représentant pour n’avoir qu’une figure pour assurer la représentation de l’UE sur la scène internationale. Manifestement, cette idée a été perdue en chemin.
Enfin, certains portefeuilles comportent des attelages inattendus. Mariya Gabriel sur l’Innovation et la Jeunesse. Dubravka Suica sur la démocratie et la démographie. Vera Jourova sur les Valeurs et la transparence. Maros Sefcovic sur les relations interinstittuionnelles et prospectives. N’était-il pas plus simple et plus cohérent de mettre ensemble Valeurs et démocratie ? Innovation et Prospectives? Démographie et Jeunesse ? Et puis, démographie ? On en parle ? Démographie de quoi ? Et pour faire quoi ?
N’y avait-il pas 27 sujets suffisamment forts pour être occupés chacun par un commissaire ? J’en liste quelques-uns : Zone euro, Migration et frontières, Environnement, Numérique, Affaires extérieures, Concurrence et Industrie, Emploi, Justice et Libertés, Affaires intérieures, Relations interinstittuionnelles, Citoyenneté et participation, Budget et administration, Politique de voisinage et élargissement, Santé, Avenir et réforme de l’UE,
Vous l’aurez compris, cette introduction ratée de la Commission européenne me déplaît. Il y avait mieux à faire.