De Rugy et Mediapart : la vérité à tout prix ?

Ne pas réagir. Ne pas réagir. Ne pas… Oh et puis merde, tant pis, je prends le clavier pour écrire ces quelques lignes, au risque à nouveau de me couper de certains de mes abonnés qui y verront peut-être une attaque inutile. Après tout, il a démissionné. Affaire classée, non ? Et puis, tout le monde sait bien qu’on ne doit pas tirer sur une ambulance. Ce n’est pas bienveillant. Et de prendre l’exemple de Pierre Beregovoy, ancien ministre socialiste qui aurait été « acculé » au suicide par la presse (sic), citant à tour de bras les propos extrêmement durs de François Mitterrand contre les journalistes. Oublieuse mémoire qui enfouit visiblement le lâchage collectif subi par l’ex-ministre par ses anciens collègues et amis (à commencer par le Premier d’entre eux, englué politiquement et désireux de se débarrasser rapidement de cet allié devenu gênant). Oublieuse mémoire qui enfouit aussi  la culpabilité de Pierre Beregovoy dans les faits qui lui étaient reprochés. Le parallélisme des formes est toujours cruel : François de Rugy serait donc aussi coupable ?

Mais revenons à ce dernier, objet désormais de tant de railleries. Démission surprise survenue peu de temps après un soutien plein et entier de l’appareil gouvernemental. Décidément, la pratique montre que le nouveau monde ne sait clairement pas gérée les départs de ces Ministres, entre ceux qui claquent la porte alors qu’on les retient de force (voir Hulot et Collomb : deux démissions qui interrogent) et ceux obligés de partir à toute vitesse. Pour le coup, ancien et nouveau mondes se valent bien.

Que dire sur l’affaire de Rugy ? Déjà, il s’agit en tout point d’un cas d’école :
– une communication hasardeuse : avec l’expérience d’autant d’années d’exercice politique, on ne peut qu’être affligée par l’amateurisme de la réponse officielle face aux révélations. Entre l’explication maladroite (la volonté de rester connecter à la vraie vie) et la justification lunaire (je n’aime pas le homard), la séquence n’a cessé de flirter avec le mauvais goût (voir aussi L’affaire Benalla : la communication en crise ?)
– l’arroseur arrosé : l’Apôtre de la Transparence se retrouve éclaboussé comme le fut en son temps le Représentant de la bonne gestion, alias François Fillon. Internet est à cet égard bien cruel, exhumant en quelques clics les discours de l’intéressé en totalement contradictions avec les faits constatés
– une exemplarité encore en construction : à l’heure où on demande régulièrement aux Français de se serrer la ceinture, il appartient en premier lieu à leurs élus de montrer la marche à suivre (voir Le devoir d’exemplarité des responsables publics). Et à lire les déclarations de certains élus (ci-dessous), il reste encore du chemin. Si on se met à dégoûter les gens d’être ministre, alors …

 
Le Monde de Rugy 2.png
 
Ensuite, Mediapart, justement. On ne compte plus les accusations de politisation des journaux lorsqu’ils révèlent une affaire qui touche un membre (ou plusieurs) d’un parti politique. Tour à tour, Mediapart, comme le Canard Enchaîné, ont été accusés de faire le jeu de la droite, de la gauche, voire des extrêmes. Et c’est un faux procès qui cherche à détourner l’attention loin des vrais responsables. C’est le rôle de la presse dans des pays qui se veulent de véritables démocraties que d’exposer à la lumière crue les vérités, y compris les moins flatteuses. Oui, il faut, comme le réclamait Charles Peguy,  « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste. » Ce débat d’ailleurs est loin d’être nouveau et figurait déjà au temps de l’affaire Dreyfus et des dommages et la confusion qu’elle risquait d’engendrer dans l’esprit des gens. Mais, tant pis, si la transparence absolue pour les citoyens est dangereuse, les élus doivent accepter de dévoiler plus qu’un citoyen normal. Il en va de l’inconvénient du poste qu’ils occupent. Comme le disait déjà François Guizot, homme politique du XIXe siècle, « la publicité est peut-être le caractère le plus essentiel du régime représentatif » (voir Transparence : le reflet de la République).
 
Et le fait, comme certains le soulignent, que Edwy Plenel, directeur du journal, ait lui-même ses casseroles, ne présente ici aucun intérêt dans l’histoire. Ce n’est pas parce que votre voisin commet des actions plus ou moins immorales que vous pouvez vous réfugier derrière lui pour faire de même.
 
Pour autant, il ne faut pas céder à l’impression d’un tous-pourris, ou d’un état de fait permanent. Bien des progrès ont été accomplis. Et beaucoup seraient atterrés de voir les règles qui prévalaient il n’y a pas si longtemps (coucou la permanence parlementaire achetée par Jean-Luc Mélenchon avec son indemnité de représentation).
 
Même si rien n’est encore parfait ni suffisant, il faut continuer à travailler, persévérer (voir Frais des parlementaires : une réforme décevante). Après tout, pour reprendre cette phrase d’Edmond Rostand, « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière »
 

Recensement des articles sur cette question :

 

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