Avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, rarement les rapports entre Européens et Américains n’ont été aussi glacials. Même sous Georges W. Bush, les Etats-Unis continuaient d’avoir leur lot d’alliés intangibles puisque ce dernier Président faisait preuve d’une opposition à la Russie, de bon aloi à l’Est de l’Europe.
Rien de tout ça avec Donald Trump qui cherche par tous les moyens à se rabibocher avec Vladimir Poutine, et conspue en permanence cette organisation bizarre qui prospère sur le continent européen (voir Trump : une chance pour l’Europe ?). Il faut dire que par bien des aspects, l’Union européenne représente tout ce que Donald Trump réprouve : multilatéralisme contre isolationnisme, règle de droit contre rapport de force, … On ne compte plus les déclarations tapageuses et les provocations de Donald Trump, souvent à la limite de l’insulte.
Ces saillies verbales, auxquelles s’ajoute le départ du principal allié des Etats-Unis sur le continent, alias le Royaume-Uni, invitent les plus américanophiles des Européens à repenser leur rapport avec l’autre côté de l’Atlantique. Que les pays traditionnellement proaméricains envisagent une nouvelle relation constitue un progrès indéniable. Les réflexions autour d’une armée européenne n’ont jamais été aussi poussées depuis une dizaine d’années. Et sans entrevoir tout de suite une nouvelle Communauté européenne de défense, il faut se féliciter des discussions actuelles.
Pourtant, ces étapes certes intéressantes restent largement en deçà des besoins. En effet, l’Union européenne et ses Etats membres n’ont pas encore conduit de réflexion d’ampleur non seulement sur leurs liens avec les Etats-Unis, mais aussi la place qu’ils voulaient occuper dans le monde. On passe évidemment ici sous silence les divergences naturelles qui peuvent exister à 27. Il est au fond assez symptomatique que même à l’égard d’un allié ancien, les Européens ne soient pas capables de penser leur relation dans le nouveau siècle débuté il y a plus de douze ans maintenant (en 2007 avec l’arrivée de l’iPhone) !
Si longtemps les Etats-Unis ont eu le rôle de petit frère de l’Europe (Nouveau Monde face au vieux continent), les rapports de force ont été considérablement inversés avec la seconde guerre mondiale qui a vu les Etats européens réduits au rang de subalterne. L’épisode gaulliste ne doit pas masquer la déconvenue en Algérie et l’humiliation à Suez. Au sortir d’une guerre qui avait réduit à néant les appareils productifs, les pays d’Europe de l’Ouest ont bénéficié des subsides américaines – le fameux Plan Marshall, ainsi que de la protection militaire américaine. « Les frontières des Usa sont sur le Rhin » rappelait Franklin D. Roosevelt recevant début 1045 la Commission Sénatoriale de la défense. Protection que l’on assimile aujourd’hui un peu à un asservissement, oubliant la menace que faisait peser l’Est.
Ces liaisons originelles (déjà abordées pour la partie militaire, voir Europe de la défense : à l’attaque ?) continuent de susciter des oppositions caricaturales à l’Union européenne où celle-ci ne serait qu’un instrument entre les mains des Etats-Unis. A l’extrême-gauche, comme à l’extrême-droite, on a souvent pris l’habitude l’habitude de fustiger les Etats-Unis d’Europe qui seraient « l’Europe des Etats-Unis ».
Néanmoins, cette grille de lecture est plus que faisandée. Elle ne tient pas compte des nouveaux rapports de pouvoir entre les Etats-Unis et l’Union européenne, qui négocient d’égal à d’égal dans bien des domaines. Si des entreprises américaines, comme Microsoft ou Facebook, se plient aux normes européennes, c’est bien parce que l’Union européenne constitue un enjeu stratégique majeur et un marché de poids dans l’économie mondiale (voir 50 ans du marché commun entre réussites économiques et compétitions déloyales).
Quell cadre demain à la relation Etats-Unis/Union européenne ? Tout dépendra de ce que les Européens veulent faire de leur projet. Soit ils dotent l’Union des instruments d’une puissance sur la scène internationale, et ils pourront être considérés comme l’équivalent des Etats-Unis ou de la Chine. Soit ils se réfugient derrière leurs Etats nationaux et en seront réduits à n’être que des Suisses en puissance (voir Europe : une puissance internationale ?).
¤ Sur le volet commercial des relations UE/USA, voir :
– Taxations commerciales de Donald Trump : une riposte de l’Union, de guerre lasse
– TAFTA : chronique d’un échec attendu
¤ Sur le volet militaire, voir OTAN en emporte les Etats-Unis
Cette réflexion n’est pas erronée en soi mais oublie un point essentiel : le protectionnisme culturel et linguistique pratiqué par les USA depuis plus de 70 ans. Trump ou pas Trump : aucune différence. Et qui n’ a été rendu possible que par la position de soumission adoptée par les Européens, gouvernements et peuples inclus. D’autant que ce colonialisme culturel va de pair avec un prosélytisme idéologique : point essentiel et à l’origine de la dégringolade de l’Europe, d’une manière bien plus importante selon moi que les questions purement économiques , diplomatiques ou militaires.
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