(Chateau – Turin)
Ca y est. De la fumée blanche a été aperçue au dessus du nouveau bâtiment du Conseil européen. Les chefs d’Etat ont trouvé une majorité qualifiée autour d’une candidate pour la Présidence de la Commission européenne. Forcément, eu égard au caractère important et symbolique du poste, les tractations ont été nombreuses. Et c’est un package global qu’a mis en place le Conseil européen, afin de satisfaire le plus de chefs d’Etat et de gouvernements :
¤ Mme Ursula Von der Leyen pour la Présidence de la Commission Européenne
¤ Monsieur Charles Michels pour la Présidence du Conseil européen
¤ Monsieur Josep Borell pour le poste de Haut Représentant des affaires étrangères
¤ Mme Christine Lagarde pour la Présidence de la Banque centrale européenne
Avant d’en tirer quelques enseignements (voir Postes-clés de l’Union européenne : quels enseignements (Partie II)), un premier retour sur les candidats sélectionnés par le Conseil européen. Un article à part sera consacré au choix de Christine Lagarde (voir Christine Lagarde future présidente de la BCE, une bonne idée ?).
A tout seigneur, tout honneur : commençons par la Commission européenne. Après avoir porté une femme au Perchoir … à Matignon … au Perchoir à nouveau … Emmanuel Macron a visiblement décidé de pousser pour une féminisation. Ainsi, sauf refus – peu probable à ce stade – du Parlement européen, il y aura vraisemblablement une femme à la tête de la Commission européenne. Beau symbole, quarante ans après Simone Veil comme Présidente du Parlement européen.
Que penser de ce choix ? Déjà, le pire a été évité. N’en déplaise à certains, Manfred Weber avait tout du mauvais choix. Au demeurant, plusieurs des packages proposés avaient tout pour inquiéter. L’Europe pouvait difficilement se passer, il me semble, d’un choix dicté par un système certes intéressant, le Spitzenkandidaten, mais inadapté à l’heure actuelle tant que les chefs d’Etat et de gouvernement en corrompront les objectifs (voir Elections européennes 2019 : la fin des Spitzenkandidaten). On peut tout au plus regretter que d’autres candidats à la plus grande visibilité n’aient pas été privilégiés.
Néanmoins, Ursula Von der Leyen présente plusieurs qualités indéniables. Expérience ministérielle. Orientation plutôt centriste.
Toutefois, il convient de rester vigilants. D’une part, les deux derniers titulaires n’ont clairement pas brillé par leur charisme. D’autre part, certains dysfonctionnements actuels ne se résoudront pas seulement par un changement de titulaire. Quid notamment de Martyn Selmar, l’actuel secrétaire général de la Commission européenne dont l’emprise étendue sur l’institution devient problématique (voir L’effacement de la Commission européenne : « et pourtant, elle tourne » !) ? Osera-t-elle mettre un terme à son rôle ? Quid de la pratique actuelle de la Commission européenne de se laisser dicter son agenda par le Conseil européen ?
Ensuite, le Conseil européen. A ce poste encore récent (2009), voici déjà un deuxième Belge. Certainement, on prête à cette nationalité la possibilité de reproduire à une autre échelle la gestion des égos et des conflits entre voisins. Equilibre politique oblige, il s’agit d’un libéral. Arrivera-t-il à garder le niveau de visibilité atteint par Donald Tusk ? Ou retombera-t-on dans les travers de l’expérience Van Rompuy ? Il est encore trop tôt pour le dire. Se pose de manière plus générale l’intérêt même de ce poste, qui gagnerait à être occupé par le Président de la Commission européenne (voir Un Président de l’Europe, un chantier en devenir).
Enfin, pour le Haut représentant des affaires étrangères, difficile d’en dire beaucoup. Une personne pas vraiment connue au niveau européen. Néanmoins, cela n’est pas forcément rédhibitoire. Après tout, qui connaissait Federica Mogherini avant qu’elle ne commence ? Dans un poste clairement exposé, il conviendra au titulaire du poste d’oser s’exposer. On sait à quel point son premier titulaire, Lady Ashton fut totalement invisible. De sa capacité à exister dépend pourtant l’utilité de son poste. On sait qu’il n’est pas toujours facile de faire entendre une voix différente au niveau international, face notamment aux « grands » Etats (voir Europe : une puissance internationale ?).
Si le pire semble pour l’heure avoir évité, il convient de rester vigilant. Les expériences passées regorgent de bonnes surprises (Jacques Delors) comme de douloureux moments (José Manuel Barroso).
Voir aussi Désignation du Président de la Commission : les détestables coulisses de Bruxelles
Voir aussi :
¤ Christine Lagarde future présidente de la BCE, une bonne idée ?
¤ Postes-clés de l’Union européenne : quels enseignements (Partie II)