(Le Greco)
Un mois après les élections européennes, le « soufflé » participatif semble rapidement être retombé. Tout juste, on aura pu gloser sur la sortie de route de Nathalie Loiseau dont les talents diplomatiques auront été révélés à la face du monde. Ce dérapage aura au moins eu le mérite d’assurer quelques unes à l’Europe. Il est vrai que comme toujours, l’actualité nationale a repris ses droits, renvoyant les questions européennes aux oubliettes. Coupe du monde – féminine – de football oblige, l’identité du futur vainqueur passionne davantage les gens que de savoir qui sera à la tête de la prochaine Commission européenne.
En même temps, comment s’étonner que les funestes tractations européennes ne dépassent pas la glorieuse incertitude du sport ? Car oui, divisé comme rarement, le Conseil européen a multiplié les réunions en coulisses, loin du regard des citoyens et de leurs représentants, le Parlement européen. Tout le drame est là. Comment demander aux citoyens de participer activement lors de la votation si le processus leur échappe totalement ensuite ? S’il est normal dans le jeu parlementaire que des discussions s’opèrent afin de former des coalitions, la logique démocratique exige que les résultats soient approuvés par les citoyens. Ainsi, il est aujourd’hui courant que les accords de coalition soient soumis aux votes des adhérents des Partis politiques, afin de se prononcer sur l’orientation choisie. Ici, rien n’est prévu à l’horizon. Tout s’est passé en coulisses. Seules les déclarations des chefs d’Etat au fil des sommets sont venus rythmer les négociations. Mais, on comprend bien que tout ceci doit avoir lieu à huit clos. Cachez cette démocratie européenne que je ne saurais voir, pourrait dire le dramaturge. Et une fois un nom trouvé, faites vous fort de l’approuver bien vite.
En attendant, il semble bien qu’à rebours de 2014 où le Parlement européen organisé en son sein avait su imposer son choix au Conseil européen, le Conseil européen ait refait main basse sur le processus de désignation. Il se sert pour cela du morcellement du Parlement européen, qui est incapable de proposer quelqu’un. En 2014, il avait su faire corps pour dire dès le début au Conseil européen qu’il n’accepterait qu’un nom, le Conseil européen avait du se plier à appeler cette personne. C’était une belle avancée. L’esprit des traités : favoriser le Parlement européen (voir Elections européennes 2019 : à quoi sert le Parlement européen ?)
Faute d’union sacrée cette fois dans le forum du peuple, place est donnée au conciliabule entre Etats. Après tout, d’après les traités, c’est à eux qu’il revient de soumettre un nom au Parlement européen. Retour à la lettre même des traités. Il faut bien l’avouer : les avancées des traités ne sont que des compromis acceptés par les Etats. Et perdre la mainmise sur ce processus hautement politique et symbolique, les Etats n’en voulaient pas. Il n’y avait qu’à voir par exemple Angela Merkel proposer des lignes transnationales après les avoir proprement torpillées il y a un an, tout ça pour faire accepter le palot Manfred Weber… on pourrait en rire si l’heure n’était pas au tragique. On voit bien la difficulté pour le Parti populaire européen d’accepter sa défaite.
La démocratie européenne ne permet plus que tout se fasse derrière les rideaux. C’est les mauvaises tragédies qui renvoient toute l’action de l’autre côté de la scène. C’est devant le public que doit avoir lieu le dénouement. Au risque sinon de se couper définitivement de ceux pour qui l’Europe doit être fait : ses citoyens.
Voir aussi Elections européennes 2019 : la fin des Spitzenkandidaten