Reprenant ici une idée développée pour la campagne présidentielle de 2017 (voir Election présidentielle : l’Europe, combien de divisions ?), il s’agit d’analyser rapidement les propositions des principales listes pour les élections européennes 2019. J’avais déjà esquissé un état des lieux des forces politiques en présence (voir Elections européennes 2019 : l’Europe, combien de divisions ?).
Cela étant dit, plusieurs points doivent être précisés, avant d’entrer dans le fond du sujet.
Déjà, en l’absence de filtre à la présentation d’une liste pour les Européennes 2019, il a été décidé de s’en tenir aux 12 listes présentes au débat sur France 2. Cela inclut donc des candidats qui ne dépasseront probablement pas les 2% des voix (François Asselineau et Florian Philippot). Mais, cela exclut nécessairement les partis qui n’ont même pas pu figurer à ce débat (Parti animaliste, Parti pirate…). J’aurai pu suivre le Conseil d’Etat et me limiter à la première sélection réalisée par France 2. Néanmoins, compte tenu de leur place dans le paysage de la dernière présidentielle 2017, il me paraissait dommage d’exclure Benoît Hamon, Florian Philippot et François Asselineau.
Ensuite, l’examen des programmes des différentes listes n’est ni exhaustif ni complet. Il passe sous silence de nombreux champs de politiques publiques, pourtant parfois essentiels et d’ailleurs traités sur ce blog dans d’autres billets.
Ce décryptage a été réalisé à partir des projets affichés des différentes listes sur leur site de campagne. Matériellement, il m’était impossible de parcourir l’ensemble des déclarations faites dans la presse par les candidats à ces élections.
En complément de ce tableau, je vous invite à parcourir les articles consacrés aux thématiques mises en avant :
¤ sur l’euro : L’euro en France : une monnaie en débat
¤ sur Schengen : Schengen ou la tentation des frontières
¤ sur l’OTAN : OTAN en emporte les Etats-Unis
¤ sur la défense commune : Europe de la défense : à l’attaque ?
¤ sur les accords commerciaux : Politique commerciale commune : sortir de la crise ?
¤ sur la PAC : La Politique agricole commune : stop ou encore ?
Comme on le constate dès la lecture rapide du tableau, personne ne souhaite maintenir le statu quo actuel. Tout le monde s’inscrit « contre » l’Union européenne telle qu’elle existe – le reste étant une question de degrés entre les différents partis. Seules quelques listes s’opposent frontalement au principe même de cette Union européenne.
L’analyse sera divisée ici en trois parties :
– les listes europhobes, c’est-à-dire des programmes résolument contre toute idée d’un véritable projet européen ;
– les listes eurosceptiques, c’est-à-dire des programmes s’inscrivant en porte-à-faux avec l’orientation européenne, en faisant appel à un souverainisme qu’on pourrait appeler de « modéré » en comparaison des listes europhobes ;
– les listes eurocritiques, c’est-à-dire des programmes croyant dans l’idée européenne, mais souhaitant une réorientation du projet plus ou moins importante.
¤ Les listes europhobes :
Un bref paragraphe traitera des « contre » tout (l’UE, l’euro, Schengen, l’OTAN, la politique agricole commune). Ces élections voient d’ailleurs pas moins de 4 listes farouchement opposés à l’Europe : l’UPR, les Patriotes, Debout la République et le Rassemblent national. Les dérivatifs comme « Europe des nations » ne doivent pas tromper sur la réalité de leur projet. Seul débat entre ces différents protagonistes : la sortie de l’Union européenne et de l’euro, où Debout la République comme le Rassemblement national ont tâché de se différencier suite à l’échec de la dernière présidentielle (voir Les populismes à l’épreuve de l’Europe). On le voit d’ailleurs particulièrement dans ce clivage entre les ex-FN que sont les Patriotes et le Rassemblement national (voir Démission de Florian Philippot : la faute à l’Europe ?). Cette distinction opérée par le Rassemblement national qui cherche à rassurer le public se retrouve dans l’ensemble de l’Europe (voir Populismes en Europe – objectif : élections européennes 2019 ?).
L’ensemble de ces programmes s’inscrit dans une référence permanente au Général de Gaulle, alors même que son positionnement sur l’Europe fut beaucoup plus ambigu (voir De Gaulle, un anti-européen ? et Election présidentielle 2017 : tous gaullistes ?).
¤ Les listes eurosceptiques :
Cas un peu particulier : les listes de la France insoumise, du PCF et des Républicains.
Tout d’abord, la France insoumise qui n’est pas à l’abri de certaines contradictions entre désobéir aux Traités et rester dans l’Union européenne. Ils veulent une Europe, mais une autre Europe, celle d’un plan B (voir La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B). Ici, l’Europe doit changer, selon leurs vœux. Inutile de dire que l’avis des 26 ou 27 Etats ne comptent tout simplement pas. Ce sera comme ils veulent, ou cela ne sera pas. Plus certainement, cela ne se fera pas, avec risque de pertes et de fracas. La réticence de cette liste est manifeste notamment en ce qui concerne la politique internationale au sens large, des accords commerciaux à la défense commune. Sur le reste, elle est moins eurosceptique, voire parfois aussi européenne que d’autres listes. On retrouve peu ou prou la même analyse avec la liste portée par le PCF. Opposition notamment à une défense commune qui est loin d’être nouvelle.
Ensuite, les Républicains. Etrange a priori de retrouver ici un parti de gouvernement de droite. Mais, mouvement logique en réalité si on y réfléchit puisque le souverainisme qui gagne la droite aujourd’hui n’est qu’une tentative de réponse politique à l’européisme affiché par le centre (porté par la République En Marche). Jacques Chirac, chef de file du RPR, avait ainsi fustigé en son temps le parti de l’étranger, auquel serait soumis son ancien allié, l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing (voir La droite et l’Europe : une question de souveraineté ?). Rien n’a vraiment changé au fond.
¤ Des listes eurocritiques :
Dernières listes, et non des moindres : les listes eurocritiques. En effet, et c’est important de le souligner, aucune liste ne plaide pour le système présent. Tout le monde sait que l’Europe actuelle a clairement montré ses limites. Le statu quo n’est plus tenable. A l’instar de ce que disait Jean Quatremer à propos de l’euro, il faut achever l’Union européenne : soit achever au sens de finaliser la construction européenne, soit achever au sens de mettre un terme au projet.
Pourtant, dans les listes dites eurocritiques, il faut distinguer entre les courants plutôt à gauche et ceux plutôt à droite.
En premier lieu, de Generation.s à EELV, voici un ensemble de mouvements – le mot « parti » étant désormais vu comme un processus archaïque – qui souhaitent clairement modifier l’orientation de l’Union européenne, tout en gardant les acquis permis par ce projet.
En second lieu, de la République En Marche à l’UDI, il s’agit de mouvements à l’engagement européen clair, mais qui appellent aujourd’hui à des réformes profondes
Voir aussi Elections européennes : ne pas rejouer l’élection présidentielle
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Interessant, mais bizarre qu’il n’y au aucune analyse sur la politique d’environnement et climate, non?
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Effectivement. C’est une bonne remarque. Je l’avais envisagé à travers la PAC et les accords commerciaux. Mais ca mériterait un encart à part. J’essaierai d’en ajouter un d’ici ce soir.
Le risque est peut-être que tout le monde soit pro-climat (au moins en France, à part peut-être le Rassemblement national et les Républicains – et encore…). A examiner de plus près en tout cas
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