(Parlement européen – Strasbourg)
Confrontée à l’opposition du Parlement britannique, Theresa May a proposé aux Européens de décaler le Brexit au 30 juin (voir Un Parlement en opposition, un gouvernement en perdition : le Brexit en suspension).
Cette stratégie de la dernière chance a pour but de contraindre les hard et les soft Brexiters à accepter son projet d’accord avec l’UE qui entérinerait le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Stratégie qui pourrait fonctionner, en donnant des gages aux premiers (« il vaut mieux une miche de pain que pas de pain du tout ») et en rassurant les seconds (plutôt qu’un no deal, un accord de sortie programmée). Dans les deux cas, cela ne préjuge en rien des négociations qui s’ouvriront sur la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Toutefois, le nouveau report n’est évidemment pas sans conséquence. En effet, le 30 juin est la date limite pour que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne sans avoir à organiser des élections européennes, la nouvelle législature ne débutant qu’au 1er juillet (voir Chronologie du Brexit). Or, en repoussant à nouveau l’échéance, la proximité avec les Européennes devient trop grande. On en arrive à un scénario ubuesque : le Royaume-Uni se prépare à faire élire des eurodéputés au cas où. Après tout, on n’est pas à l’abri qu’à tout moment, un incident de dernière minute ne fasse dérailler le Brexit. On croyait les Français mal préparés, entrés tardivement dans cette élection à fort enjeu. On découvre désormais que les Britanniques sont les rois du retournement et de l’absurde. Nigel Farage entrera évidemment en campagne. Pour le Brexit, dit-il. Pour rester député européen, dit la réalité.
Le bon sens aurait voulu que l’Union européenne mette la holà à ce projet farfelu. Après tout, on connaissait l’état de lassitude des Européens (voir Brexit : lassitude généralisée). Que nenni ! Donald Tusk a sorti une idée de son chapeau. « Flextension ». Trouvaille juridique dangereuse qui revient à laisser au Royaume-Uni une certaine liberté dans la durée de la prolongation – un an, c’est terriblement long. Aberration politique aussi puisque dans ce cadre la, le Royaume-Uni participerait à des élections européennes pour quelques jours/semaines/mois. Si on voulait couler ces élections, on ne s’y prendrait pas autrement.
Comment penser en premier lieu que les Britanniques se mobiliseraient pour des élus à la temporalité aussi courte et soumis à une épée de Damocles – le Brexit à tout instant – qui imputerait grandement le devoir de représentation ?
Comment en second lieu ne pas risquer de parasiter dans les autres pays toute la faible campagne des Européennes par le Brexit ? Aussi bien sur le fond, avec ce perpétuel questionnement qui jalonnerait les jours (« partira ? Partira pas ? Partira peut-être ? Partira jamais ») que sur la forme (« l’UE antidémocratique » / « la trahison des élites »)
Les élections européennes qui viennent sont capitales. Les enjeux ne manquent pas et ne doivent pas se réduire au Brexit (voir Elections européennes 2019 : Quels enjeux ?). C’est pourquoi : le Brexit doit avoir lieu avant les Européennes 2019. Il est toujours possible de mettre en place une période de transition pour éviter le pire.
Voir aussi Le Brexit au fond du trou
Un commentaire Ajouter un commentaire