Brexit : un accord en sursis ?

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(Londres, Royaume-Uni – 2017)

A supposer que les Britanniques finissent par s’entendre entre eux autour d’une stratégie commune afin de mettre en place un véritable partenariat avec l’Union européenne, il est probable que cette entreprise recevra un œil bienveillant de la part du Conseil (composé des Etats membres). Si la Commission considère que l’accord de retrait (qui doit fixer tant les modalités de sortie que le cadre des relations futures) préserve les fondations de l’Union européenne (unité du marché intérieur, place du droit européen), le Conseil devrait, sans trop de difficulté, valider l’accord. Après tout, il n’est besoin que d’une majorité qualifiée.

Pour autant, on aurait tort de croire que la machinerie européenne s’arrêterait là. En effet, conformément à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, cet accord doit encore recevoir l’approbation du Parlement européen. On le sait, par nature, le Parlement européen, s’il n’a jamais usé pleinement de ses prérogatives, aime particulièrement les coups d’éclat (pour un exemple récent, voir Article 7 : au tour de la Hongrie !).

Néanmoins, l’hypothèse d’une opposition semble peu probable tant les négociateurs européens cherchent à associer au maximum les eurodéputés, et à inclure leurs revendications, afin d’éviter une censure finale.

A cette exigence première, s’ajoute une problématique oubliée. La relation future fera l’objet d’un accord ultérieur dont seuls quelques aspects ont déjà été dégrossis par l’accord de retrait risque de dépasser le cadre d’un simple accord commercial. Ce dépassement n’est pas sans conséquence, puisque la compétence exclusive de l’Union européenne s’arrête ici avec la politique commerciale commune. Or, qui dit compétences partagées, dit accord mixte. Derrière cette terminologie barbare, on retrouve des accords dont le champ relève à la fois de l’Union européenne et des Etats membres. Comme le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (voir Politique commerciale commune : sortir de la crise ?).

Et justement, ce type d’accord, parce qu’il concerne aussi les Etats membres, ne peut être pas seulement ratifié au niveau européen. Il doit aussi obtenir l’aval individuel de l’ensemble des Etats membres. Cela nécessite donc de respecter toutes les procédures constitutionnelles de ratification des traités de chacun des Etats. Par exemple, recevoir l’approbation des entités fédérées dans le cas de certains Etats fédéraux. On se souvient justement que la Wallonie avait failli à elle seule mettre en péril le CETA, et avait exigé certaines garanties. Ainsi, le processus de ratification du futur accord de retrait, en plus d’être incroyablement long, peut se retrouver en danger à chaque examen national.

Enfin, une fois ce processus de ratification achevé, une dernière menace pourrait peser sur ces deux accords. Une menace loin d’être négligeable. L’aval de la Cour de justice de l’Union européenne. En effet, si rien n’exige de saisir la Cour a priori pour s’assurer de la conformité de l’accord avec les traités européens, il est possible que des citoyens finissent par aller devant la Cour pour mettre en cause certains points de cet accord. Or, on le sait, la Cour de justice, comme toute juridiction, est particulièrement sourcilleuse de ses prérogatives et de la plénitude de son droit. Selon l’accord obtenu, elle pourrait voir d’un mauvais œil certains des compromis acceptés entre Européens et Britanniques, et le censurait, si ce n’est entièrement, au moins partiellement. Ce risque ne doit pas être pris à la légère. On se souvient du sort de l’accord d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, jugé incompatible par cette même Cour, reléguant l’adhésion aux calendes grecques.

En somme, les Britanniques sont loin d’être sortis d’affaire.


Voir le dossier consacré au Brexit

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