Les femmes et la politique française :  une histoire encore à venir

Dame de Fer

En 2016, Laurent Fabius fut choisi pour occuper le poste prestigieux de Président du Conseil constitutionnel. Ce choix de François Hollande fut une énième occasion manquée de désigner à l’une des plus hautes fonctions de la République une femme. A ce poste, il disposait pourtant de deux profils intéressants : Elisabeth Guigou, ancienne ministre de la Justice et Christiane Taubira, ministre de la Justice à l’époque. En privilégiant Laurent Fabius, François Hollande accordait à l’un de ses principaux contempteurs une quasi promotion – comme s’il constituait une quelconque menace qu’il fallait faire taire via le devoir de réserve qui s’attache à la fonction. Or, d’un point de vue politique comme symbolique, il aurait été préférable de se tourner vers Christiane Taubira, déjà pour éviter une démission qui fit désordre suite à l’idée fumeuse de la déchéance de nationalité ; ensuite pour offrir un marqueur fort à la gauche (une femme honnie par la droite). Néanmoins, cet épisode est assez révélateur de la place des femmes dans la politique française.

Après tout, même l’arrivée du « nouveau monde » avec fracas mi-2017 n’a pas changé radicalement la donne. A plusieurs reprises, Emmanuel Macron comme sa majorité ont manqué l’occasion d’avancées symboliques. Pas de nouveau Premier ministre femme – à l’heure où j’écris ses lignes. Pas de PrésidentE de l’Assemblée nationale, alors même que l’opportunité s’est présentée deux fois. C’est peu dire pourtant pour ce dernier cas que les titulaires du poste n’ont pas brillé par leur fonction.

Néanmoins, cette situation est loin d’être nouvelle. Elle fut même bien pire. Il n’y a pas si longtemps Christian Estrosi avait comparé Rama Yade à « un placement » qu’il convenait de faire « fructifier ». Et cette remarque n’était pas issue d’un entretien privé, mais d’un discours public devant les électeurs !

A-t-on oublié la violence des attaques dont fut l’objet Ségolène Royal alors candidate à l’élection présidentielle en 2007 ? Attaques qui ne furent pas seulement l’apanage de l’opposition, mais aussi de son propre camp. Nombreux furent les barons socialistes aigris qui torpillèrent allègrement sa campagne, à commencer par les deux perdants des primaires, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Khan. Même son conjoint – un certain François Hollande – ne fut pas d’un grand soutien dans cette épreuve. Qu’importe l’appréciation qu’on pouvait porter à sa candidature, elle ne méritait pas ce torrent de haines.

Etait-ce vraiment il y a si longtemps que Simone Veil, panthéonisée récemment, recevait des tombereaux d’injures au sein même de l’hémicycle au prétexte de présenter une loi d’avancée sur le droit des femmes ? Combien de ces collègues masculins pourtant du même bord politique la conspuèrent ou pire, tombèrent des attaques nauséabondes ? (voir Entre ici, Simone Veil)

Non sans ironie, la journaliste Françoise Giroud avait relevé que les mentalités auraient véritablement changé lorsque « des femmes incompétentes seraient nommées aux mêmes postes que les hommes ». L’arrivée de Rachida Dati à la justice a marqué à cet égard un tournant indéniable.

Certes, dans ce panorama plutôt sombre, on peut se réjouir de quelques avancées indéniables.

Déjà, le gouvernement d’Edouard Phillippe est constitué à parité d’hommes et de femmes. On n’est certes pas encore devant un gouvernement aussi exemplaire que celui de Pedro Sanchez en Espagne. Mais, ne boudons pas notre plaisir.

De même, l’Assemblée nationale issue des urnes est la plus féminine de toute la Ve République et atteint presque la parité. De plus, la défaite en 2017 de nombreux ténors des Républicains, parti à l’heure actuelle le moins paritaire, va accélérer l’arrivée de têtes d’affiches féminines en 2022.

Il était temps. Mais, bien des efforts restent encore à faire.


Troisième volet d’une série sur la politique :
¤ La politique, c’était mieux avant ?
¤ La violence en politique est-elle inéluctable ?

En cette journée de la femme, un autre conseil de lecture :
¤ La femme dans la dystopie

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Sylvain dit :

    Étonnant cet éloge de CT, qui fait partie des fossoyeurs de la « gauche » (il n’existe plus de parti de gauche en France depuis longtemps ) et dont le bilan est définitivement indéfendable en tant que ministre de la justice : comme le rappelle régulièrement l’actualité, elle a laissé nos prisons dans un état digne de pays sous-développés, et notre justice multiplie les ratés en tous genres et les graves disfonctionnements. C’est l’un des pires exemples de ministre femme (avec C Duflot et M Schiappa). En revanche Rama Yade incarnait un renouveau de la droite gaulliste, et sa disparition de la scène politique me semble vraiment dommage. Florence Portelli pourrait incarner un peu la même chose, et permettre se sortir de l’impasse Macron-Wauquiez où se trouve la droite modérée. Quant à Simone Veil, elle avait une vraie stature de chef d’Etat et aurait sans nul doute fait une bien meilleure présidente que Sarkozy, Hollande et a fortiori Macron.
    Il faudrait néanmoins cesser de raisonner en terme de symboles. Les symboles, par définition, n’ont qu’une valeur….symbolique et ne constituent pas en soi une politique. Sans parler des possibles dérives identitaires, par définition anti-républicaines. Les politiciens ne manient les symboles que par pure démagogie et souvent par clientélisme , pour masquer leur incapacité à agir voire dans certains cas leur volonté de ne pas agir.

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    1. Nicolas dit :

      Sur nos prisons dont je partage avec vous l’état déplorable, je ne suis pas sûr que le problème vienne particulièrement de Christiane Taubira qui a essayé justement de développer des mesures alternatives afin de désengorger les prisons.
      Chacun se fera une appréciation personnelle des ministres à leur poste. Rama Yade fut pour moi une mauvaise ministre.

      Je vous rejoins par contre sur le fait que le symbole n’a par définition qu’une valeur symbolique. Il ne peut servir à lui seul de politique. Mais, il peut donner l’exemple malgré tout. Et s’il arrive à faire déjà cela, c’est déjà une réussite. Si des femmes en France ont commencé une carrière politique parce qu’elles ont vu des ministres femmes exercées, et bien tant mieux :).

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      1. O dit :

        Rama Yade a au moins eu le mérite, lorsqu’elle était ministre, de dénoncer le soutien de la France à Kadhafi, dictateur sanguinaire et terroriste. Elle a été désavouée par Sarkozy, qui aurait mieux fait de l’écouter au lieu d’écouter BHL quelques années plus tard.

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