(Londres, Royaume-Uni)
Longtemps, le secteur public a souffert de la comparaison avec le monde du privé. Plus lent, plus cher. En deux mots – deux gros mots -, moins efficients.
Dès lors, comment admettre la mainmise du secteur public dans la construction s’il ne parvenait en aucune manière à être au même niveau que le secteur privé ?
Pourquoi, en période budgétaire contrainte et avec les impératifs urgents des politiques publiques, ne pas solliciter un partenaire privé pour construire plus vite et moins cher ?
C’est dans ce contexte que s’est développée une nouvelle offre de relations entre la puissance publique et des sociétés privées. Une offre résolument moderne puisqu’elle était importée du système anglosaxon. Et c’est bien connu, niveau modèle économique, les Anglosaxons ne se trompent jamais (comme l’a montré la crise de 2008, Crise de 2008 : quel bilan 10 ans après ? (1/2)). Le PPP – rien à voir avec de potentiels adorateurs de la philosophie kantienne qui feraient d’eux des partisans de la paix perpétuel – ou Partenariat public privé était né.
Sous ce joli nom, semble se dessiner l’idée d’une alliance entre égaux, entre le public et le privé, dans un but évidemment d’intérêt général. Il s’agit dans les grandes lignes de demander au secteur privé de financer la construction d’un bâtiment, bâtiment lequel sera généralement occupé par la puissance publique ou utilisé pour un service public. En échange, le partenaire public s’engage à verser des loyers sur une durée déterminée. A la fin de cette période, le bâtiment construit rejoint gratuitement le domaine public. Voilà pour la théorie.
La pratique a – étonnamment (sic) – mis en évidence les problématiques de ce système.
Déjà, face à de grands groupes privés dotés de services juridiques conséquents, les interlocuteurs publics ne font souvent pas le poids. En amont, l’asymétrie d’informations est en plus particulièrement élevée entre un groupe habitué à ce type de partenariat et une collectivité qui découvre le système. Au cours des négociations, la différence de niveau est criante entre ces entités.
Conséquence ? Les collectivités publiques ont accepté de multiples clauses qui ont fait exploser la facture pour le contribuable. Entre des montants excessifs de loyer, des obligations disproportionnées, et pénalités à la charge essentiellement de la collectivité, ces contrats 2.0 se sont révélés dans leur grande majorité néfastes aux collectivités. A titre d’exemple symbolique, on citera le cas des PPP dans la construction de stades flambants neufs démesurément trop grands au niveau de leur capacité et qui se sont avérés de véritables gouffres financiers une fois l’équipe résidente rétrogradée dans les confins de son sport (ex : Le Mans). Dans ces cas de figure, les collectivités s’étaient engagées à verser un loyer quelque soit la situation de leur club. Pas un mea culpa n’est apparu de la part de la Ligue de Football Professionnel qui avait pourtant fortement incité les collectivités à se doter de ces équipements à tout prix !
A cela, il faut ajouter que la construction d’une infrastructure via le PPP coûte généralement plus cher à la collectivité, puisque l’entreprise ne bénéficie pas des même facilités d’emprunt, et répercute cette différence sur la collectivité.
Seul contre-exemple de taille dans le recours au PPP, le viaduc de Millau. Pour une fois, l’Etat a pris soin de faire répercuter le financement sur les usagers du viaduc. Ainsi, le groupe privé ne touche que ce que les gens paient en empruntant le viaduc. Que le trafic diminue, et c’est le groupe privé qui est seul à en subir les conséquences
Ensuite, effet de mode oblige, l’ineptie de ces PPP s’est propagée à des secteurs par essence éloignées des contingences économiques. L’Etat a donc poussé les hôpitaux désireux de mener des politiques de grands travaux à investir dans cet outil miraculeux.
Là encore, le bilan est désastreux.
D’une part, le remboursement des loyers par les hôpitaux a considérablement grevé leur budget. On rappellera brièvement que la principale mission de l’hôpital n’est pas économique, mais de soigner. Il était donc particulièrement dangereux d’exiger de telles structures une capacité de financement suffisante, surtout en lui imposant des loyers démesurés.
D’autre part, les malfaçons dans la construction ont considérablement dégradés les relations avec les groupes privés, tout en rendant difficile les missions de soins que devaient délivrer les hôpitaux.
Bien tardivement et suite à de nombreux rapports unanimes (ex : le rapport de la Cour des comptes de 2015), le Législateur a pris conscience du problème, excluant les hôpitaux du champ des PPP, avant d’offrir une mission de conseil aux collectivités locales dans le cadre de tels PPP.
Pour autant, comme le montre l’article du Monde sur les PPP au Royaume-Uni (voir ici), le problème des PPP n’est pas propre à la France. Le Royaume-Uni envisage même un retour aux nationalisations (voir là) ! Il est dans la nature même de ce procédé qui devrait être purement et simplement proscrit, comme non-efficient et non-pertinent.