(Parlement britannique – Londres, Royaume-Uni)
Sans surprise, le projet d’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a été rejeté par la Chambre des communes. Si le résultat était couru d’avance, l’ampleur du désastre surprend. Après tout, Theresa May avait retardé de plus d’un mois le vote pour tenter de convaincre les députés récalcitrants et obtenir une majorité. Bilan : 432 députés britanniques sur 650 ont voté négativement. Plus d’un tiers des députés conservateurs ont fait défection. A la crise permanente du Brexit s’ajoute pour au moins quelques heures une nouvelle crise politique aiguë qui se soldera par le maintien artificiel de Theresa May ou son renversement.
Quel(s) enseignement(s) tirer de ce résultat négatif ?
Certes, on note évidemment que la parole de Theresa May n’imprime plus. Elle a eu beau menacer, supplier, faire peur. Rien n’aura marché. Le rapport de force entre le Gouvernement et le Parlement britannique a depuis longtemps tourné à l’avantage du second. Le tournant fut certainement 2017 avec la décision de la Supreme Court britannique qui rappelait le rôle fondamental du Parlement dans le processus du Brexit (voir Le particularisme anglais à l’épreuve du Brexit) et les élections législatives anticipées désastreuses qui privèrent Theresa May de toute marge de manoeuvre (voir Brexit : l’inconséquence électorale). Ces dernières semaines n’ont fait qu’accentuer les choses puisque le Parlement britannique a obtenu la présentation obligatoire d’un plan B, trois jours seulement après l’éventuel rejet du plan de Theresa May. On rappelle que pour l’élaboration du plan A, il a fallu plus de dix-sept mois de négociations entre Européens et Britanniques pour parvenir à un accord (voir Brexit : un divorce partiel douloureux).
Toutefois, impossible d’analyser le rejet comme un refus de l’Union européenne ou un mépris du peuple britannique. Loin d’être unis par des objectifs communs, c’est bien une coalition baroque regroupant les eurosceptiques et européistes irréductibles, les écossais indépendantistes et les nord-irlandais unionistes, des Conservateurs et des Travaillistes intéressés par de prochaines élections anticipées, qui a eu raison de cet accord. Comme l’a justement relevé Theresa May un peu désabusée, « on sait ce que le Parlement britannique ne veut pas, on ne sait pas ce qu’il veut ».
Quelle(s) solutions pour la suite ?
Sans vouloir être pessimiste, difficile d’escompter réellement quelque chose de ce projet de Plan B, sauf à renverser véritablement les cartes. Rappelons que le projet d’accord doit non seulement satisfaire les parlementaires britanniques mais aussi les Européens (à savoir, les institutions européennes et les Etats membres). Il est vrai que la principale difficulté vient ici de l’impossible majorité au Royaume-Uni autour d’une solution. Voilà, pourquoi un éventuel plan B n’apparaît pas en mesure de récolter un meilleur score, surtout dans un intervalle de temps aussi court.
¤ Des élections anticipées ? Le Labour a profité de l’ampleur du rejet pour déposer une motion de défiance contre Theresa May. En cas de succès, des élections anticipées devraient se tenir dans les prochaines semaines.
¤ Un nouveau référendum ? Compte tenu de l’impossibilité de dégager une majorité au niveau des responsables, il est possible que la situation soit tranchée au niveau du peuple (voir Un nouveau référendum sur le Brexit : une fausse bonne idée)
¤ Une extension de l’article 50 TUE ? A tout moment, Britanniques et Européens peuvent convenir de repousser la date de sortie prévue au 29 mars 2019 afin d’étendre le délai de négociations. Néanmoins, un tel décalage risquerait d’impacter les élections européennes 2019 auxquelles le Royaume-Uni ne participe pas pour le moment (voir Chronologie du Brexit).
¤ Un no-deal ? Faute de parvenir à un accord, il n’est pas impossible que le Royaume-Uni ne parvienne pas à trouver un quelconque moyen de pérenniser sa relation avec l’Union. Cette solution qui a forcément gagné en probabilité avec le rejet ne dépend pas uniquement du Gouvernement, le Parlement britannique ayant obtenu un contrôle sur ce point déterminant.
Tous les scénarios futurs comportent leurs lots d’inconvénients, d’incertitudes et de crises pour le Royaume-Uni, et éventuellement pour l’Union européenne. Le pire, c’est qu’il n’est pas improbable que plusieurs de ces scénarios se réalisent soit successivement, soit en parallèle.
Dans tout ce chaos, on s’en voudrait presque de rappeler que le plus dur n’est même pas derrière nous, mais devant nous puisque seulement l’accord de retrait a pour le moment été négocié. Pas un mot encore sur la future relation. Or, comme le soulignait Donald Tusk en 2017« le plus dur dans un divorce n’est pas la séparation mais la construction d’une nouvelle relation »
Voir aussi Brexit : May Day et 2019 : année charnière pour l’Europe ?
Demander aux électeurs de choisir entre le plan actuel et le no-deal ne serait il pas une manière élégante de sortir de la situation. Les électeurs ont voté pour partir. Ils ont le choix de partir dans les conditions négociées avec l’UE ou de partir sans accord. Et le tour est joué, mais dans tous les cas cela fait mal, car la majorité ne veut pas des conséquences réelles de la décision de 2016. Merci les Johnson et autres Farage…
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