Qu’est-ce qui fait monter le populisme ?

Orban en Hongrie, Trump aux Etats-Unis, Salvini en Italie, Bolsonaro au Brésil. La liste des pays gangrenés par les populistes ne cesse de s’allonger. Et, chaque nouvelle victoire, loin de susciter le nécessaire sursaut, parait au contraire paralyser l’ensemble des dirigeants actuels. A qui le tour ? semble être la question sur toutes les lèvres.

Comment expliquer l’apparition et le déploiement exponentiel des mouvements populistes ces derniers temps ?

Les facteurs sont évidemment multiples et ne peuvent se résumer à quelques lignes. Les scandales des anciens dirigeants, l’attrait de la nouveauté contribuent à divers degrés à favoriser leur développement (voir Le devoir d’exemplarité des responsables publics).

Certainement, il ne faut pas négliger combien la prise en considération de la diversité de nos sociétés a bouleversé les schémas traditionnels mais aussi marqué une partie de la population. Preuve de cette crispation identitaire, des questions jusque là anecdotiques sont devenues soudain essentielles (ex : le voile). Nos démocraties peut-être trop sûres de leur force ont cru pouvoir se transformer, espérant que les consciences suivraient.

Néanmoins, la progression constante de ces mouvements ne peut qu’interpeller.

Plus que tout autre, la crise de 2008 a été la caisse de résonance de ces mouvements (voir Crise de 2008 : quel bilan 10 ans après ? (1/2)). Surtout, la compromission volontaire – ou l’aveuglement involontaire – d’une partie des élites politiques à l’égard d’une forme discutable de la mondialisation.

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A l’instar de ce tableau de Goya, les monstres sont aussi bien engendrés par le rêve que par le sommeil de la raison – en somme, l’excès ou le manque de raison.

Il faut l’admettre, la mondialisation n’a pas profité à tous. Elle a certes permis à des pans entiers de l’humanité d’entrer dans l’ère de la classe moyenne. Mais, cette progression s’est traduite en parallèle par un recul, voire une disparition, des classes moyennes occidentales.

En principe, la crise économique n’aurait pas dû engendrer une crise politique aussi forte. Le problème ? La démocratie avait lié son destin à l’économie de marché. Lorsque la seconde est contestée, la première devient contestable. De cette alliance de circonstance, les deux ont pensé tirer parti. La démocratie fournissant au capitalisme le consentement politique. Le capitalisme apportant à la démocratie la croissance économique. Tant que les deux prospérèrent, tout semblait aller de soi, consolidant l’avancée inexorable et irrésistible du modèle occidental.

Mais, la crise de 2008 a créé une brèche. Ou plutôt, elle a aggravé une faille déjà bien visible. Tout le monde ne bénéficiait pas de la croissance. Quand les fruits de la croissance tombent sur tous, on s’intéresse moins à combien gagne son voisin. Mais dans un ralentissement, cette question devient prégnante. Pourtant, comme le relevait Daniel Bell, « bien que le capitalisme et la démocratie aient historiquement émergé de concert et aient tous deux étés justifiés par le libéralisme philosophique, il n’y a aucune nécessité théorique ou pratique qu’ils aillent de pair ».

Est-il au fond si paradoxal que dans un monde qui a rarement été aussi ouvert aux flux (d’informations, de marchandises, de personnes) les gens aient de plus en plus besoin d’attaches, de racines ? La question identitaire prend une importance particulière dans un monde globalisé.

En parallèle, alors que les politiques se succèdent à la tête de l’Etat, les mêmes recettes sont mises en oeuvre. Rien ne semble véritablement changer malgré les alternances. Les grandes coalitions droite/gauche voient leur capital politique se réduire. De cet immobilisme apparant, naît un fort sentiment de changement. Une volonté de faire table rase. Plus que la victoire de Thatcher et son « Il n’y a pas d’alternative », on dit parfois que c’est l’acceptation par Mitterrand des règles du capitalisme qui a montré qu’il n’y avait qu’une seule voie.

Comme en 1929, la crise a remis en cause le modèle dominant. Et dans ce clair-obscur, surgissent les monstres. Dans son ouvrage L’Europe, je t’aime moi non plus, la journaliste Marion Van Renterghem nous prévient « Barack Obama a produit Donald Trump, Matteo Renzi a produit Matteo Salvini, Angela Merkel laisse la place au chaos avec l’éclatement des grands partis et le retour de l’extrême droite. Après Emmanuel Macron, quoi ? (…) Puisse-t-il savoir y répondre et ne pas devenir lui-même l’architecte de ce nationalisme tragique qu’il brandit comme une menace ? ».

Pourtant, il n’existe aucune fatalité. Le réveil est possible. A la démocratie libérale de se réinventer encore.


Voir aussi Le crépuscule de la démocratie ?

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