(Strasbourg – France)
« Guerre de trente ans ». L’expression est de Charles de Gaulle pour décrire la drôle de période qui s’étira de 1914 à 1945, couvrant ainsi deux guerres mondiales. Deux guerres mondiales qu’on a tendance à distinguer puisque si la première est l’archétype de la guerre nationale sans gentils ni méchants, la seconde opposa les Alliés aux puissances de l’Axe autour de l’Allemagne nazie.
Pourtant, à bien des égards, la Seconde Guerre mondiale tire ses origines de la première. Car gagner la guerre ne signifie nullement acquérir la paix, la seconde partie nécessitant souvent plus de temps et de moyens que la première. Georges Clemenceau, longtemps surnommé le « Père-la-Victoire » devint rapidement dans l’esprit des Français rancuniers le « Perd-la-Victoire ».
Or, la construction de la paix perdit rapidement un de ses meilleurs alliés. Les Etats-Unis de Wilson tout juste engagés dans cette première guerre extra-américaine (1917-1918) adoptèrent, sous pression du Sénat américain, une posture isolationniste. La Société des Nations, balbutiement d’une communauté internationale, pouvait difficilement plus mal commencer.
En parallèle, Français et Britanniques se déchirèrent autour de la reconstruction allemande. « L’Allemagne paiera », formule de Poincaré, fut le credo continu de la politique étrangère française. On retrouve d’ailleurs une réminiscence au cours de la crise de la zone euro, où les Allemands semblaient n’avoir qu’une obsession : « la Grèce paiera » (voir Du Grexit à l’oubli). Cette exigence, souvent en dépit du bon sens, contribua à alimenter les ressentiments de la population à l’égard des Français, sans permettre un quelconque règlement de la « dette » allemande.
La dette allemande, justement. Règlement obtenu par les vainqueurs (et notamment la France), la question de la dette allemande contribua à pourrir les relations internationales tout au long des années 20. Comme l’a démontré l’historiographie moderne, la première guerre mondiale n’avait ni méchants ni gentils, elle servit seulement de défouloir à l’hystérisation nationaliste qui s’était emparée des Etats. Le fameux traité de Versailles qui règle la question de la guerre et fait de l’Allemagne le responsable de cette dernière, a été vécu comme un diktat. Outre des réparations financières, l’Allemagne dut consentir à des abandons de territoire, comme autant de plaies ouvertes qui créeront le ferment de la révolte future. Les généraux allemands, en refusant toute responsabilité, obligèrent la République de Weimar naissante à l’accepter, véritable cadeau empoisonné.
A cette paix impossible s’ajouta les effets délétères de la plus grosse crise économique en 1929. Jouant la carte du chacun pour soi, l’ensemble des Etats furent perdants. En parallèle, le chômage et la pauvreté croissants contribuèrent à l’arrivée de forces antidémocratiques dans de nombreux pays européens. Les conséquences de la crise et du Traité de Versailles ont joué un rôle déterminant à l’arrivée d’Hitler en Allemagne.
Or, la Société des Nations était trop faible pour assurer un quelconque ordre international. Son impuissance à punir l’invasion japonaise de la Mandchourie contribua à exacerber les velléités allemande et italienne. La guerre et ses horreurs pouvaient recommencer.
Il faudra attendre la fin de celles-ci pour que certains, au bord de l’abîme, organisent enfin une construction supraétatique qui permettrait d’établir un cadre pour la paix, mais aussi d’entretenir des relations régulières entre Etats. C’est ce qu’appela de ses voeux Robert Schuman dans son fameux discours du 9 mai 1950 en demandant le lancement d’une « fédération européenne indispensable à la préservation de la paix ».
Voir le premier volet : Centenaire de la Première Guerre mondiale – Leçons d’histoire 1/2 : Suicide collectif
Voir aussi Stefan Zweig ou le drame de l’Europe
Mitterrand et Kohl ont eu raison de sauter le pas fédéral en adoptant, bien que de façon incomplète, une monnaie unique. En effet, l’euro est à l’heure actuelle la principale épine dans le pied des populistes qui n’arrivent pas à convaincre les peuples d’en sortir sous peine de voir tous les patrimoines de ceux-ci fondre comme neige au soleil. Je constate aussi que l’euro se voit aujourd’hui soutenu tant par les progressistes qui croient à un avenir fédéral de l’Europe que par les conservateurs pour qui le saut dans l’inconnu que représente la sortie d’une monnaie déjà vieille de 20 ans va à l’encontre de leur instinct conservateur. Tout cela ne nous protège en revanche pas d’une implosion de l’euro qui pourrait notamment être causée par une faillite de l’Italie.
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Une assertion telle que « La première guerre mondiale n’avait ni méchants ni gentils » ne tient pas face aux faits. L’Allemagne a déclenché la guerre, a commis des crimes de guerre atroces en Belgique et dans le nord de la France puis a participé au génocide arménien aux côtés des Turcs. Ce relativisme me semble très dangereux : il rappelle le discours autovictimaire adopté par les milieux d’extrême droite allemande, qui réécrivent l’histoire en disant qu’entre l’Allemangne et les Alliés il n’y avait aucune différence. Les faits énoncés plus haut démontrent cependant exactement l’inverse.
En ce qui concerne le Traité de Versailles, il a certes facilité et accéléré l’accession au pouvoir de Hitler mais réduire le nazisme à une simple conséquence du traité de Versailles constitue là aussi une manière de dédouaner l’Allemagne de ses responsabilités historiques. Comme je l’ai montré dans mon précédent post le caractère belliqueux et xénophobe du nationalisme allemand, lui-même héritier du nationalisme prussien, devait produire tôt ou tard ses fruits, et c’est ce que Heinrich Heine avait prophétisé dès 1834 ! Alors traité de Versailles ou pas, là n’est pas la question de fond.
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L’Allemagne n’a point « déclenché la guerre ». L’historiographie moderne s’accorde à dire que les Etats européens dans leur ensemble ont pris cette voie, sans d’ailleurs s’en rendre bien compte. C’est tout l’objet de ce très bon livre que je ne peux que vous recommander de l’historien C. Clark, Les somnambules.
La France cherchait elle aussi un prétexte pour une conflagration généralisée.
Par contre, je ne réduis pas le nazisme à une simple conséquence du Traité de Versailles. Je dis simplement que ce traité a contribué au ressentiment allemand à l’égard de la France et a constitué un véritable cadeau empoisonné pour la jeune République de Weimar. La crise de 1929 et ses conséquences ont plus fait pour la montée du nazisme que le reste. On retrouve d’ailleurs un parallèle entre économie et politique lorsqu’on regarde les effets de la crise de 2008 et la montée des populismes.
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Je suis bien d’accord sur le fait que le Traité de Versailles a été mal conçu et mal pensé, avec à la clef les effets que vous nommez. Je ne vous contredis pas sur ce point. Mais dans les faits c’est quand même le gouvernement allemand sous l’égide de Guillaume II qui a déclenché cette guerre de 14, elle-même résultat d’un long processus démarré après 1806 (Fichte , Blücher…). Les crimes de guerre des troupes allemandes en 1914 ne sont pas une vue de l’esprit, c’est un fait historique peu connu mais réel, et l’historiographie moderne a montré que non seulement des militaires allemands ont participé au génocide arménien commis par les Turcs en 1915-1916 (ce que le président allemand a officiellement reconnu il y a quelques années), mais que Hitler s’en est ensuite directement inspiré lorsqu’il a mis en place la Shoah. A certains de ses proches qui lui demandaient si le reste du monde lui laisserait accomplir son projet criminel sans réagir, il répondait d’ailleurs que oui, puisque personne n’avait bougé le petit doigt pour sauver les Arméniens. Le génocide de 1915 a été le prélude de la Shoah.
Il n’en reste pas moins vrai que le Traité de Versailles a joué un rôle funeste.
Bien à vous.
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Pour le déclenchement de la guerre, c’est plus un complexe jeu d’alliance qui a conduit à cette issue inévitable. Au départ, c’est d’abord une opposition entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie.
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