(Parlement européen – Bruxelles)
Ce billet sur la droite européenne a évolué au cours des derniers mois. En effet, au titre initial prévu (Le Parti populaire européen a-t-il déjà gagné les élections européennes 2019), j’ai privilégié l’intitulé qui figure en tête de cet article. Evidemment, ce changement terminologique est loin d’être anodin.
Il me semble intéressant d’examiner successivement les éléments qui m’incitaient à penser à la victoire annoncée de la droite européenne, avant d’envisager pourquoi finalement elle pourrait échouer.
Tout d’abord, le triomphe attendu de la droite européenne semble du avant tout à la situation de la gauche européenne, et plus particulièrement du Parti socialiste européen (voir Gauches européennes : le renouveau ou la disparition). En effet, sur les cinq grands Etats (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne)*, principaux pourvoyeurs d’eurodéputés, la gauche est au pouvoir dans seulement dans deux d’entre eux, à savoir en Espagne et Allemagne. Et encore : dans le premier, elle gouverne avec une minorité au Parlement ; dans le second, elle sert de force d’appoint à un gouvernement de grande coalition dirigée par Angela Merkel. Les dernières élections en Italie et en France auront été particulièrement dévastatrices pour la gauche qui dirigeait ces deux pays. Au score famélique de Benoît Hamon à l’élection présidentielle française répond l’échec du Parti démocrate aux élections législatives italiennes (voir Parti socialiste : l’heure du glas ?). Pour compléter ce panorama, on pourrait ajouter le cas de la Pologne où la gauche est complètement absente, la politique nationale étant principalement l’affaire de la droite et du centre.
A cette situation initiale désastreuse, s’ajoute un constat plus cruel encore : mis à part en Espagne où l’actuel gouvernement socialiste jouit d’une bonne image, la gauche européenne n’est nulle part en mesure de se hisser au pouvoir ou au moins, d’obtenir de bons scores. Elle est inaudible en France, en Italie et en Allemagne.
Au demeurant, à l’instar des dégâts causés au SPD (Parti socialiste allemand) par sa participation à une grande coalition dirigée par la CDU (droite allemande), les partis socialistes européens se sont compromis au niveau européen en acceptant longtemps une grande alliance avec le Parti populaire européen, alliance qui conduisit à voter pour la reconduction de Barroso (mis à part le Parti socialiste française) et pour l’élection de Juncker à la tête de la Commission. Bien sûr, l’Europe n’est ni exclusivement l’affaire de la droite ou de la gauche. Néanmoins, l’Europe a besoin, comme au niveau national, d’une opposition, d’un débat public. Elle ne peut vivre de consensus mous et d’accords d’appareils.
En parallèle de l’état de la gauche européenne, la droite européenne semblait se porter plutôt bien. Après tout, elle sortait de deux larges victoires aux dernières élections européennes, la dernière lui ayant même permis de se passer à mi-mandat de l’alliance avec le PSE.
Il y avait bien l’émergence de nouveaux partis au centre de l’équipe politique, En Marche en France, Ciudadanos en Espagne. Mais, à défaut de faire boule de neige dans toute l’Europe, cette émergence ressemblait à un phénomène relativement circonscrit.
Pour autant, une nouvelle concurrence est effectivement apparue. Ou plutôt, une concurrence qui existait déjà s’est considérablement renforcée. A la droite du PPE, l’extrême-droite a pris du poids. Aidée par une crise économique favorisée par la dérégulation prônée par une partie de la droite, l’extrême-droite a connu un développement sans précédent avec les questions migratoire et sécuritaire. Sur ces points-là, malgré les reprises nombreuses de la droite d’éléments utilisés traditionnellement par l’extrême-droite, force est de constater que les citoyens privilégient encore les originaux à leurs copies. Ainsi, l’extrême-droite a enregistré ses meilleurs scores dans de nombreux pays européens (Allemagne, France, Autriche, …), arrivant même au pouvoir en Italie.
A cela s’ajoute la droitisation extrême de certains partis du Parti populaire européen. Outre la CSU, il faut mentionner le cas singulier du parti de Viktor Orban, le Fidesz. En effet, alors même qu’une part non-négligeable des élus du PPE a voté pour enclencher la procédure de l’article 7 contre la Hongrie, il n’est pas prévu d’exclure le Fidesz du PPE (voir Article 7 : au tour de la Hongrie !). Les eurodéputés hongrois pourraient compter chers dans la détermination du vainqueur des élections européennes 2019.
Et c’est maintenant l’une des grandes peurs de la droite européenne actuelle que de voir l’extrême-droite prendre le devant lors de la prochaine élection. Cette hypothèse est loin d’être négligeable lorsqu’on se souvient que lors des dernières élections, le FN est passé devant les Républicains. Si le FN est sorti affaibli de la dernière élection, que dire des Républicains ? Ont-ils une ligne plus cohérente et unie sur l’Europe que leur rival d’extrême-droite ?
Or, cette arrivée en masse de l’extrême-droite pourrait rebattre les cartes à plusieurs niveaux. Si on exclut l’hypothèse d’une alliance au niveau européen entre la droite et l’extrême-droite, deux cas de figure pourraient se présenter. Première alternative, concurrencé par l’extrême-droite et le centre, le PPE pourrait voir le PSE finalement passer devant lui. Accepterait-il alors de se joindre à une coalition que le PSE dirigerait ? Seconde alternative, ces différents mouvements populistes pourraient arriver en tête lors des prochaines élections européennes, et paralyser durablement une institution pourtant capitale pour la démocratie européenne. On ne le dira jamais assez, le Parlement européen constitue un élément essentiel pour faire le lien avec les citoyens. S’en priver endommagerait gravement l’Union et affecterait la construction européenne. Ce n’est pas pour rien que Steve Bannon, l’ancienne éminence grise de Donald Trump, a souhaité s’investir dans cette campagne.
Il suffit de regarder l’activité réelle des élus du Rassemblement national au Parlement européen pour se convaincre qu’à part détourner de l’argent public vers le financement de leur parti, ils n’ont rien présenté. Ils ont même voté contre des mesures de bon sens, comme le renforcement de la coopération policière au sein de l’espace Schengen.
En définitive, aux urnes, citoyennes et citoyens.
* J’enlève naturellement le Royaume-Uni dont le retrait de l’Union européenne est prévu pour mars 2019. Dès lors, il n’y aura pas d’élections européennes prévues dans ce pays. Au passage, on peut noter que ce retrait ne fait qu’accentuer le déficit pour la gauche européenne puisqu’elle perd les eurodéputés travaillistes, alors que le PPE ne perd rien puisque les Conservateurs ont déjà quitté ce groupe parlementaire pour en former un autre.
Sur les élections européennes, voir aussi Elections européennes 2019 : l’heure d’un débat public ? et les nombreux articles consacrés ici.
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