(Musée national de l’histoire de l’immigration – Paris, France)
Nouveau psychodrame sur la scène européenne. L’Aquarius, ce navire de l’ONG SOS Méditerranée avec à son bord 58 personnes cherchait un port fin septembre.
A nouveau, pour 58 personnes, les Etats membres s’entredéchirent pour savoir qui va récupérer le navire et surtout, sa cargaison. Désagréable impression de voir d’aussi grandes puissances être incapable de gérer un problème de cette ampleur, et de se refiler la patate chaude les uns les autres. En parallèle, certains Etats, plus au Nord et à l’Est, sont curieusement absents des débats, espérant tel cet enfant qui ne veut pas être interrogé en classe qu’il parviendra à éviter d’être désigné en se cachant. Dans ce naufrage collectif, les institutions européennes sont également aux abonnés absents. Il faut dire que la dernière fois que la Commission a essayé de s’en mêler, elle s’est faite vertement tancée pour cette initiative. Niveau solidarité et action collective, on repassera.
Tous les Etats tentent de se défausser de leur responsabilité par tous les moyens. On se souvient des considérations géographiques audacieuses avancées par certains politiques pour justifier la non-prise en charge du navire dans leurs ports. Difficile ligne d’équilibre auxquels s’astreignent les gouvernements actuels pour ne pas prêter le flanc aux critiques, l’inhumanité d’un côté, l’ « invasion » (sic) de l’autre.
Bien sûr, l’Union européenne a failli sur cette question. Il faudrait être idiot pour se féliciter de cette situation d’entre deux terriblement insatisfaisante. Le rappel des grands principes n’est rien sans application concrète.
Mais, si l’Union a échoué, c’est d’abord parce que les gouvernements des Etats membres ont renoncé. Lorsqu’Angela Merkel prit une décision d’ouverture – courageuse, quoique mal préparée -, combien accompagnèrent sa démarche ? Où fut la France durant tout ce temps ? Tout le monde semble tellement tourmenté à l’idée de contribuer à la progression de l’extrême-droite que la moindre initiative pour agir est vue comme une action irréfléchie.
En l’absence de décision au niveau européen, c’est donc les initiatives individuelles qui parsèment ici et là, ajoutant flottements et dramaturgie à chaque nouvel arrivage de migrants. Ces calculs d’apothicaire sont non seulement indécents – on parle quand même de vie humaine – mais surtout risibles. Loin de résoudre le défi migratoire, ils répondent – tardivement et insuffisamment – aux événements successifs.
Osons dire la vérité, il y aura d’autres réfugiés, fuyant la guerre ou les persécutions, il y aura d’autres migrants, s’échappant à la famine et à la misère. Si l’Europe et la France ne peuvent évidemment tous les accueillir, seules des solutions collectives permettront de répondre à un défi commun. Protéger les frontières extérieures de l’Europe ne peut être la seule proposition. Elle doit s’accompagner en parallèle d’un accueil digne des personnes protégées par le droit d’asile, et d’un véritable partenariat de développement avec des pays aujourd’hui incapables de répondre aux besoins de leur population. A cet égard, il faut souligner que ceux qui comme le Rassemblement national, soutiennent la politique mise en œuvre par Assad en Syrie ne peuvent s’étonner que les persécutions commises aboutissent à des fuites massives. On ne peut déplorer des conséquences quand on en soutient les causes.
Combattre le populisme d’extrême-droite est une nécessité. Mais, cela ne peut passer par l’acceptation de ses idées. On ne réglera pas la question migratoire par petites touches, mais dans une dimension globale. On ne réglera pas seul une telle question, mais à plusieurs. Et tous – pays de l’Est compris – devront y contribuer. La solidarité n’est pas seulement dans un sens, mais nécessite une aide collective de tous les instants. Derrière l’Union européenne, comme derrière la République, il y a avant tout la notion de solidarité :
« La république c’est deux et deux font quatre. Quand j’ai donné à chacun ce qui lui revient…
— Il vous reste à donner à chacun ce qui ne lui revient pas.
— Qu’entends-tu par là ?
— J’entends l’immense concession réciproque que chacun doit à tous et que tous doivent à chacun, et qui est toute la vie sociale. » [Victor Hugo, 93]
Sur ce sujet, voir aussi Aylan : le naufrage des valeurs européennes et Boucs émissaires : les réfugiés (1/3)
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » Bossuet
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