(Cathédrale – Strasbourg, France)
L’Europe n’est pas le seul sujet à diviser les grands mouvements traditionnels (voir La droite et l’Europe : une question de souveraineté ? et La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B). En effet, loin de la fracture classique droite/gauche, la laïcité provoque de nouvelles lignes de séparation au sein même de ces mouvements.
Après avoir examiné la gauche et la laïcité (voir Gauche et laïcité : la République à quel prix ?), place à la droite.
Historiquement, la droite, à l’inverse de la gauche, a combattu la loi de 1905 et ses déclinaisons.Il convient de rappeler qu’en ce temps là, Georges Clémenceau était de gauche. Liée plus ou moins avec l’Eglise catholique, la droite admettait difficilement une telle séparation. Surtout, une partie de la droite craignait que le lien autrefois présent entre les individus et la religion ne soit remplacé par une relation bilatérale entre citoyens et Etat. Quel intérêt pouvait-il y avoir à quitter les mains de l’Eglise pour tomber dans celles de l’Etat ? Cette crainte n’était pas sans fondement puisque depuis les lois Ferry, l’Etat s’était déjà substitué aux Eglises en matière d’éducation. Jusqu’où irait l’influence de la puissance publique ?
Dans une France plutôt de droite, la bascule politique fut permise par la place centrale occupée par une famille politique aujourd’hui quasi disparue, les Radicaux. Ayant connu leur apogée sous la IIIe République, cette mouvance plutôt centriste a fait basculer les majorités parlementaires au gré de ses alliances. Seule constance : sa méfiance à l’égard de la religion, méfiance telle qu’elle conduira à repousser le droit de vote aux femmes par peur qu’elles prennent leurs instructions du curé.
Il y a donc une ironie certaine à voir de nombreux responsables de droite brandir aujourd’hui le principe de la laïcité.
Surtout que pour nombre d’eux, cette laïcité est une arme orientée dans une seule direction. L’islam – pour ne toujours pas la citer. En effet, ils invoquent à tort et à travers la laïcité comme prétexte pour s’opposer maladroitement à une religion considérée comme étrangère. Dévoyant son orientation libérale, ils arguent que la laïcité est atteinte, tour à tour, lorsqu’on prévoit des menus de substitution, qu’une femme à l’université porte le voile ou qu’une mosquée se construit quelque part.
Pourtant, dans aucune de ces situations, la loi de 1905 comme le principe survenu plus tard d’une République laïque ne sont concernés. La laïcité est seulement une restriction que l’Etat s’impose et non que celui-ci impose aux individus (voir Manifeste de foi en la laïcité française).
Surtout, ces tentatives grossières d’application s’accompagnent chez certains d’un refus d’accepter l’invocation de la laïcité à l’encontre de la religion catholique. Ainsi, ces mêmes ardents défenseurs de la laïcité se transforment en contempteurs de ce principe lorsqu’il déploie des effets identiques pour toutes les religions. Non donc au voile à l’université . Mais, oui aux crèches dans les établissements publics. La contradiction manifeste ne les ennuie visiblement pas.
Néanmoins, si on veut que la laïcité devienne un bien commun, il s’agit de l’appliquer à tous sans distinction. Comme le relevait le juriste J. Rivero, que « neutre et laïc, (l’État) ne saurait pratiquer la moindre discrimination à l’égard de tel ou tel mouvement religieux ».
Sur ce thème, voir aussi Laïcité, religion et coexistence : un triangle d’incompatibilité ?
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