Réforme constitutionnelle de 2008 : beaucoup de bruit pour rien ?

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(Pupitre du Président de l’Assemblée nationale  – Paris, France)

A l’heure où le Gouvernement actuel cherche un compromis autour d’une nouvelle réforme de la Constitution, il est peut-être temps de dresser le premier bilan de celle de 2008, initiée par Nicolas Sarkozy.

Cette réforme des institutions fut menée par un comité présidé par Edouard Balladur et Jack Lang. Ce caractère bipartisan permit certainement à la réforme d’être adoptée. La majorité fut ainsi atteinte grâce aux voix du Président de l’Assemblée nationale et de Jack Lang.

Mais, plus que le processus d’adoption, penchons nous sur le fond. Comme en 2018, les pistes explorées furent nombreuses.

Le texte final procéda au plus vaste toilettage de la Constitution depuis 1958, aboutissant à des modifications dans la moitié des articles.

Derrière les mesurettes (possibilité pour le Président de s’exprimer devant le Congrès) et les clarifications (la reconnaissance de l’opposition), deux axes forts animaient ce projet : le renforcement du Parlement et la protection des droits fondamentaux.

En premier lieu, renforcer le Parlement.

Un demi-siècle après son adoption, la Ve République, qui avait pour but de faire table rase des errements du parlementarisme des IIIe et IVe République, avait trop bien réussi à corseter le Parlement. Un exemple illustre bien cette évolution : le Conseil constitutionnel. Pensé à l’origine comme le « chien de garde » de l’exécutif pour protéger ses prérogatives, il s’est retrouvé au fil des années à devoir préserver les compétences du Parlement.

A cet égard, la réforme de 2008 multipliait les évolutions constitutionnelles, réduisant le recours possible au fameux article 49 alinéa 3 (voir Le recours à l’article 49 alinéa 3, déni de démocratie ?), ajoutant de nouvelles missions au Parlement (contrôle du Gouvernement et évaluation des politiques publiques), développant le domaine d’intervention du Législateur, etc…

Était-ce pour autant l’avènement d’un « hyperparlement » ou d’une « coproduction législative » pour reprendre les mots du président du groupe UMP à l’assemblée nationale, un certain Jean-François Copé. Une tendance à l’hyperbole qui ne se retrouvera pas dans son estimation du prix du pain au chocolat.

La réponse est clairement négative.

En réalité, nombre des avancées sur la fabrication de la loi ont perdu de leurs intérêts dès leur application. Les études d’impact sont au mieux bâclées au pire contournées par voie d’amendement. Le temps législatif officiellement distribué à parité entre le Gouvernement et le Parlement reste dicté par les impératifs de l’exécutif. Les propositions législatives, c’est-à-dire d’origine parlementaires, ne représentent qu’une faible portion des lois votées.

Au demeurant, les élus de la nation continuent à concentrer l’essentiel de leur temps sur la fabrication de la loi. Temps majoritairement perdu puisqu’un parlementaire ne fait pas la loi, il la subit. Il est certes incité à la voter, mais il ne contrôle toujours pas le processus législatif. Cet investissement inutile se fait au détriment d’autres champs d’action publique dans laquelle le parlementaire pourrait trouver toute sa place : l’évaluation des politiques publiques (voir Être un parlementaire aujourd’hui). Cette tâche apparemment ingrate demeure encore largement inexploitée. Pourtant, elle est essentielle. On ne cesse de voter des lois sans s’interroger sur l’efficacité des précédentes et dresser un véritable inventaire du passé. On en a vu l’exemple avec la loi sur l’asile et l’immigration, qui ajoute de nouvelles couches de règles sans même attendre que les dernières mesures votées en 2016 soient pleinement appliquées.

En second lieu, renforcer la protection des droits fondamentaux. Et c’est dans ce domaine-là que les avancées notables ont eu lieu.

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en permettant aux juges ordinaires de saisir le Conseil constitutionnel lorsque la loi est déjà entrée en vigueur, a permis un véritable bouleversement et a fait du Conseil un organisme central dans la défense des droits de l’Homme. De la garde à vue à l’état d’urgence, on ne compte plus les nombreuses décisions qui ont fait avancer l’Etat de droit. On pourra toutefois regretter que cette réforme majeure ne soit pas accompagnée du retrait des anciens présidents de la République parmi les membres de cette institution.

En parallèle, le Défenseur des droits a trouvé sa place dans le paysage politique. Regroupement d’anciennes autorités tels que médiateur de la République, etc… , il est devenu un acteur fort des droits fondamentaux. Sa notoriété doit néanmoins plus à l’action des personnes désignées pour l’incarner qu’à de véritables moyens lui permettant d’assurer la plénitude de ses missions.

En fin de compte, bilan mitigé. Ce qu’il manque pour une véritable évolution, ce n’est plus de nouvelles règles, c’est avant tout de nouvelles pratiques. Ce n’est pas une nouvelle révision constitutionnelle qui permettra de changer les mentalités.


Sur ce thème, voir Une nouvelle République : encore ? et Être un parlementaire aujourd’hui

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