Elections européennes : à quoi sert le Parlement européen ?

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(Parlement européen – Strasbourg, France)

Le bilan de ce premier Parlement européen nouvelle version (post-Traité de Lisbonne) est plus que mitigé, c’est un fait. J’avais déjà pu mettre en cause les avancées en demi-teintes d’un Parlement européen trop soucieux des coups d’éclat épisodiques plutôt que des évolutions permanentes (voir La revalorisation du Parlement européen : quel bilan ?). Comme le personnage du film Le Guépard, il semblait qu’il faille que « tout change pour que rien ne change ».

Néanmoins, ce panorama critique ne doit pas aboutir à écarter d’emblée l’utilité de cette institution.

Tout d’abord, le Parlement européen assure une fonction essentielle à la légitimation de la construction européenne, celle de la représentation de l’ensemble des citoyens européens. Il est, faut-il le rappeler, la seule institution européenne directement élue, au suffrage universel direct. Au passage, il faut s’éviter de raisonner a contrario sur les autres institutions. En effet, toutes ont une essence démocratique : le Conseil et le Conseil européen dont la mission est d’assurer la représentation des Etats sont composés pour l’un par les gouvernements, par les chefs d’Etat, tous élus démocratiquement, et la Commission européenne est désignée à la fois par le Conseil européen et le Parlement européen (voir Les dirigeants européens sont-ils élus ?). Depuis 2014, le Parlement européen a même pris l’ascendant face au Conseil européen dans le choix du Président de la Commission européenne au travers de la procédure du Spitzenkandidaten (voir Spitzenkandidaten : bal tragicomique à Bruxelles).

Cela étant dit, quels sont les pouvoirs de cette institution, la seule élue au niveau supranational ?

En premier lieu, le Parlement européen constitue, en principe, le colégislateur des normes européennes, à égalité avec le Conseil. Il s’agit de la procédure de droit commun, dite « procédure législative ordinaire ». Ainsi, une norme européenne ne peut être adoptée sans l’accord du Parlement européen, c’est-à-dire sans l’organe de représentation des citoyens européens.

En second lieu, depuis le Traité de Lisbonne, le Parlement européen a le dernier mot en matière budgétaire. Là encore, les orientations financières ne peuvent être mises en œuvre sans être avalisées en amont – et contrôlées en aval – par le Parlement européen. Ce contrôle s’étend d’ailleurs en dehors de la matière budgétaire et touche au fonctionnement des institutions, comme le montre l’affaire Selmayr, contrôle qu’il effectue de lui-même ou par le biais d’un organe indépendant, le médiateur européen.

Au demeurant, le Parlement européen est le garant des droits des citoyens. Outre le médiateur précité qui relève de cette institution, le Parlement européen reçoit aussi les initiatives citoyennes européennes (proposition législative d’origine citoyenne), ainsi que les pétitions de ces derniers. A l’inverse, en France, c’est le CESE qui reçoit ce genre de sollicitation.

En fin de compte, un parallèle intéressant peut être dressé avec l’Assemblée nationale française. En effet, comme le remarquait, dans un très bon article, le journaliste en affaires européennes J. Lefebvre, l’Assemblée nationale dispose de beaucoup moins de pouvoirs que le Parlement européen (voir ici). Sans reprendre l’ensemble des éléments pointés par le journaliste, notons quand même que l’Assemblée nationale ne fixe généralement pas son ordre de jour, tout en subissant les amendements de dernière minute du Gouvernement. En France, le Parlement ne fait pas la loi, il la subit (voir Être un parlementaire aujourd’hui).

A cet égard, il est assez curieux de voir certains qui se prévalent du gaullisme se féliciter de la Ve République et rejeter l’existence même du Parlement européen en le traitant de « parlement croupion », surtout en comparaison de notre propre Assemblée.

Preuve de l’importance acquise aujourd’hui par le Parlement européen, le déplacement de Mark Zuckerberg  à Strasbourg pour s’expliquer sur le scandale qui a touché récemment Facebook. Une audition à laquelle il a consenti devant seulement deux assemblées, le Congrès américain et le Parlement européen. Loin d’être une coïncidence.

Voir aussi Dix bonnes raisons d’aller voter aux Européennes 2019 !


Sur les Elections européennes 2019, voir Elections européennes 2019 : l’heure d’un débat public ? et Elections européennes 2019 : l’abstention pour seul horizon ?

8 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Yoda dit :

    Bonjour.
    Les décisions de l’UE sont prises par le Conseil (soit les chefs d’Etat, soit les ministres des Etats-Membres pour les sujets sectoriels), sur proposition exclusive de la Commission. Ainsi, la Commission Européenne, normalement organe exécutif de l’UE cumule de fait un rôle prépondérant dans la fonction législative, puisqu’elle prépare les directives. La Commission s’auto-évalue, elle n’est dans les faits, redevable à personne et surtout pas au parlement qui n’a quasiment aucun moyen de pression, si ce n’est au moment de la nomination de ses membres et du vote du budget – ex-ante.
    Dire que le P.E. a du pouvoir, c’est mentir aux citoyens; Le vrai pouvoir des institutions de l’UE se trouve à la Commission Européenne, qui n’est pas démocratique, ni même politique. C’est une des sources du désamour des européens pour ses institutions.
    Il faut arrêter d’être dans le déni. Le fonctionnement des institutions de l’UE passe par une re-politisation et une mise sous tutelle de la Commission par le parlement. La Commission doit se cantonner uniquement à son rôle exécutif et être redevable devant les parlements : l’Européen et les parlements nationaux. Ce serait une manière de rendre le fonctionnement des institutions européennes plus démocratiques, plus politiques et plus en phase avec les préoccupations des citoyens européens.
    Ne pas modifier le rôle de la Commission, c’est prendre le risque que les tendances populistes gagnent et cassent la dynamique citoyenne européenne.
    De fait, au regard des dernières évolutions politiques dans les Etats membres (Italie, Pologne, Hongrie, à qui le tour ensuite ?), on ne peut être que pessimiste quant à la capacité des institutions de l’UE de se réformer dans le sens indiqué…
    Y.Y.

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    1. Nicolas dit :

      Bonsoir,
      Je ne partage pas vraiment votre analyse sur la Commission européenne et le Parlement européen.
      D’une part, les décisions adoptées au niveau européen passent le plus souvent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, c’est-à-dire qu’elles sont adoptées par le Conseil et le Parlement européen.
      D’autre part, la Commission européenne est soumise au contrôle budgétaire ex post du Parlement européen (via la décharge budgétaire) mais aussi au contrôle politique (possible motion de censure). S’il est vrai que le Parlement européen n’use pas de toutes ses prérogatives, cela ne signifie pas qu’il ne dispose pas des compétences pour agir.
      Enfin, sur le monopole de la Commission pour proposer des textes législatifs, il est à rapprocher du rôle prépondérant du Gouvernement dans les projets de loi. Pour autant, le couple exécutif/législatif demeure dissocié.
      Néanmoins, je vous rejoins dans votre dernière touche sur l’incapacité des acteurs à se réformer réellement.
      Nicolas

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