
(Passage à niveau – Vienne, Autriche – 2010)
Parmi les éléments forts de la mobilisation des agents de la SNCF – et d’un certain soutien dans l’opinion – , figure la crainte de voir la SNCF privatisée.
En effet, malgré les garanties du Gouvernement, nombreux sont ceux qui pensent que la réforme actuellement menée est la première étape d’une privatisation rampante.
Encore faut-il s’entendre sur la terminologie. Qu’est ce qu’une privatisation ? La réponse peut sembler couler de source ; il n’en est rien. Comme le montre le discours du vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé en 2016 à propos des entreprises publiques (voir ici http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/Les-entreprises-publiques), la privatisation d’une entreprise a différentes acceptions. Elle revêt 3 formes : « la privatisation de la propriété d’une entreprise publique – comme cela a été le cas à partir de 1986 et tout au long des années 1990 et 2000, notamment pour de grands groupes industriels et bancaires – ; la privatisation du statut d’une entreprise publique avec la transformation d’EPIC historiques en sociétés anonymes, comme par exemple, dans la période récente, France Telecom en 1996, EDF-GDF en 2004, Aéroports de Paris en 2005 et La Poste en 2010 ; enfin, la privatisation du capital de sociétés publiques qui, sans opérer un transfert du secteur public vers le secteur privé, se traduit par une ouverture minoritaire à l’actionnariat privé – comme cela a été le cas à EDF ».
Pour autant, on le voit immédiatement. Ce n’est pas la même chose de privatiser la propriété d’une entreprise publique (ex : les banques) que de modifier seulement le statut (ex : la Poste) ou d’ouvrir le capital au secteur privé (ex : EDF). Dans le premier cas, lesdites entreprises sont totalement soumises aux règles du secteur privé. Dans le second cas, les entreprises restent pleinement soumises aux règles du secteur public.
Pour le troisième cas, tout dépend des parts respectives de l’Etat et du secteur privé. Mais, peut-on dire comme certains l’affirment parfois qu’EDF a été complétement privatisé alors que l’Etat détient encore 85% des actions de l’entreprise ? Par ailleurs, ces entreprises doivent souvent respecter des sujétions de service public.
Au demeurant, si l’on voulait être précis, il faudrait encore regarder dans le capital même des entreprises.On trouve parfois à côté de l’Etat des investisseurs institutionnels publics ou privés qui travaillent de concert avec la puissance publique.
Or, à bien regarder le texte actuellement voué aux gémonies, si privatisation de la SNCF il y a, c’est seulement selon la 2e acceptation : la SNCF doit changer de statut. Elle passera ainsi de la catégorie d’établissement public à Société anonyme à capitaux publics.
Une première lecture peut donc laisser penser que rien ne changera, la terminologie « public » figurant au départ comme à l’arrivée. Ici, le détenteur du capital de l’entreprise reste l’Etat. Rien ne change dans les modalités de décision et dans les missions à remplir. Mise à part pour les juristes, la question de la privatisation de la SNCF ne se pose pas réellement, puisque l’entreprise reste dans le giron du secteur public.
Alors, pourquoi changer de régime juridique ? Seulement pour se mettre en conformité avec les règles européennes. Attention, ces règles ne visent nullement à conduire à une privatisation, mais à retirer à la SNCF certaines facilités de crédit offertes par le statut d’établissement public.
Pour rappel, les aides à une entreprise – qu’elle soit publique ou privée – pour assurer ses missions de service public sont autorisées (et non interdites) par l’Union européenne, à condition toutefois d’être liées directement à la mission.
A quoi tient la crainte alors ?
Certainement, à l’habitude prononcée des gouvernants de faire des promesses dont ils se déferont un jour ou que ne tiendront pas leurs successeurs. En effet, on ne compte plus les engagements pris par des gouvernements précédents de ne pas viser la privatisation, avant d’y procéder ou de laisser les suivants le faire. Très souvent, le changement de statut de l’entreprise publique fut un préalable indispensable à sa transformation plus tard en société privée.
Pour autant, il convient de préciser plusieurs éléments.
D’une part, il n’existe pas de cursus honorum qui conduirait du public vers le privé. Certaines entreprises ont été privatisées du jour au lendemain.
D’autre part, toutes les entreprises publiques qui ont été changées de statut n’ont pas toujours été privatisées. A titre d’exemple, la Poste passée justement au statut de SA à capitaux publics en 2010 est toujours à 100% public – et ce, malgré les changements de majorité.
Si la privatisation de la SNCF n’a rien de la marche forcée, encore faut-il faire oeuvre de pédagogie et respecter les promesses qui auront été faites.
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