SNCF : à qui la faute ?

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(Passage à niveau – Vienne, Autriche – 2010)

Difficile d’y couper que l’on soit usagers ou non de la SNCF. A raison de 2 jours tous les 5 jours, une partie des agents de la compagnie est en grève, occupant l’espace médiatique pour quelques semaines. Il s’agit de protester contre le projet de réforme du Gouvernement. 

Sur la forme, et notamment le recours aux ordonnances, je ne peux que renvoyer à l’article écrit en 2017 sur l’utilisation de ce procédé constitutionnellement prévu (voir XVe Législature : l’été des ordonnances ?).

Sur le fond, force est de constater que le débat ne laisse pas indifférent. La SNCF, qu’on ne présente plus tant elle fait partie du quotidien – en bien comme en mal – des Français, est un monument en péril. C’est sûrement sur ce seul constat que responsables politiques et syndicaux s’accordent. 

Actuellement, l’établissement public est grevé d’une dette abyssale (54 milliards d’euros !).

La faute à qui ? Déjà, à l’Etat dans toutes ses composantes. La faute d’abord aux gouvernements successifs qui ont demandé à la SNCF de lancer nombre de chantiers d’envergure dont l’opportunité économique était au mieux discutable afin de relancer artificiellement la croissance, tout en se comportant comme le dernier des actionnaires en demandant toujours plus de dividendes. La faute ensuite à tous ces élus locaux qui ont fait de la gare TGV l’alpha et l’oméga d’une politique de développement à l’échelle territoriale. La faute enfin aux politiques de tout bord pour n’avoir jamais eu le courage de fermer certaines lignes ultra déficitaires.

Bien sûr, il existe – et il doit être préservé- un service public ferroviaire. Il ne s’agit donc pas de dire que toute ligne déficitaire doit être fermée. Mais, de s’interroger sur la pertinence et la viabilité de certaines d’entre elles. Il parait évident que l’Etat ne peut assurer une desserte par voie ferrée de l’ensemble des 36000 communes. C’est intermodalité entre les transports qui doit être favorisée. Longtemps, l’exemple caricatural fut le refus d’ouvrir des liaisons de bus interrégionales.

Cela étant dit, ces fautes réelles des responsables politiques ne doivent pas occulter les impasses actuelles de la gestion de la SNCF. Elles ne suffisent d’ailleurs pas à expliquer toutes les difficultés financières de l’entreprise.

Il est bien sûr sympathique de garder en tête une image d’Epinal de l’agent SNCF encore appelé dans ces jours de fraternité un « cheminot ». Mais, ce rideau de fumée est néfaste et empêche tout examen sérieux de la situation.

En effet, l’actuel Statut, héritage des années 40, semble devenu un totem à préserver à tout prix. Or, s’il fut important et contribua à offrir une vie décente à nombre de cheminots, on peut aussi admettre qu’il appartient en tant que tel au passé. Si l’on admet que certaines règles qui nous sont défavorables puissent devenir avec le temps obsolètes, peut-être le parallèle – ainsi que l’honnêteté intellectuelle – impose qu’il puisse en aller de même pour certaines favorables (ex : disparition de la prime charbon en 1974, …).

Ce n’est pas une aberration que de reconnaître que la condition des agents SNCF s’est sensiblement améliorée depuis l’adoption du Statut. Des lors, certains avantages qui correspondaient à des compensations au vue des difficultés des métiers sont devenues des privilèges. Etait-il normal qu’il ait fallu 2010 pour que le régime de retraite des agents SNCF soit aligné en partie sur celui du régime général ? Il convient de rappeler que l’Etat verse encore actuellement 3 à 4 milliards d’euros par an pour équilibrer la caisse des retraites de la SNCF. Si ce déficit provient en partie d’une décroissance du personnel, il s’explique aussi par le régime extrêmement favorable qu’il instaure.

Je ne puis dire si la réforme en cours va dans le bon sens. D’autres ont livré des analyses détaillées et instructives sur cette question précisément (voir par exemple, ici) . Je crois, en tout cas, qu’il serait bien que tant les politiques que les agents se mettent autour d’une table pour remettre sur les rails la SNCF. En fin de compte, accepter de tout discuter (les objectifs, le statut, …) pour repenser le train de demain dans un secteur des transports en plein bouleversement, au risque sinon de subir le changement plutôt que le porter.


Sur ce thème, voir aussi SNCF : le devenir des entreprises publiques est-il la privatisation ?

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. andre dit :

    Il n’y a pas qu’en France: en Belgique aussi, des questions du même ordre se posent, et les mêmes noms d’oiseaux volent de part et d’autre. Ce n’est pas seulement d’une vision nationale que les chemins de fer – et la mobilité en général – ont besoin, mais d’une véritable vue européenne sur un service public de la mobilité, abandonnant le dogme de la concurrence dont on voit bien le mur vers lequel il nous précipite, pour remettre le citoyen, véritable « homo mobilis », et les organisations desquelles il participe, entreprises comme associations et communautés locales, au centre des préoccupations. Si le monopole étatique est un modèle dépassé, la libéralisation forcenée n’est pas une solution.

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