(Oeuvre du peintre Le Tintoret – Palais du Luxembourg, Paris – 2018)
Le droit de l’Union européenne occupe une place particulière dans la construction européenne. C’est d’ailleurs pour cette raison que son respect conditionne en partie les négociations autour du Brexit et sur la future relation du Royaume-Uni avec l’Union européenne (voir Brexit : quels enjeux ?).
En effet, le projet européen proposé après la seconde guerre mondiale a réussi parce qu’il se basait sur le droit, non sur la force, pour unir le continent. Des normes pour assurer le fonctionnement, des procédures pour remédier aux possibles contentieux. Le droit communautaire a offert un cadre à même de permettre une véritable coopération entre les pays européens. Si la France et l’Allemagne ont pu passer aussi rapidement d’ennemis héréditaires à des alliés partenaires, c’est parce que le niveau européen a créé un espace de dialogue réglementé – en plus d’être arbitré par des institutions supranationales, voir Pourquoi des institutions supranationales dans l’Union européenne ?. Sans cela, il est fort probable que les relations entre ces deux pays n’auraient pas dépassé le stade de la cordialité – et encore.
Le droit de l’Union européenne constitue un particularisme qui mérite d’être examiné, aussi bien dans une perspective internationale – l’objet de ce billet – que dans une perspective nationale – objet d’un prochain billet.
Au sein des facultés de droit, il est parfois coutumier de rapprocher le droit de l’Union européenne du droit international classique, au motif que tous deux sont des droits « supranationaux ». Il y aurait donc une dichotomie classique : droit national/droit international.
Cette binarité du droit s’accorde difficilement avec la réalité.
En effet, le droit communautaire se distingue à de plusieurs égards du droit international classique. A titre d’exemple, les traités européens ont expressément interdit aux Etats de régler leurs litiges entre eux autrement que devant la Cour de justice, c’est-à-dire l’organe prévu par ces mêmes textes. A l’inverse, au niveau international, la Cour internationale de justice pourtant prévue par la Charte des Nations Unies n’a pas de compétence obligatoire. Il s’agit d’une faculté que les Etats peuvent ou non activer. Sur les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seul le Royaume-Uni a activé cette option.
Pourtant, la Cour internationale de justice, comme la Cour de justice de l’Union européenne, avait dans ses premiers arrêts, reconnu à leur propre droit (droit international/droit de l’Union européenne) une primauté devant le droit national. Comment expliquer que dans le premier cas, ces arrêts n’ont pas été suivis d’effet alors que dans le second, tel a été le cas ? Bien sûr, il est plus facile de lier quelques pays démocratiques et fondés sur l’Etat de droit que de réunir la communauté internationale dans son ensemble. Néanmoins, ce préalable est insuffisant en soi. Il ne faut pas oublier en plus que cette construction débutant juste après-guerre, la confiance mutuelle entre les Etats européens était quelque peu limitée par un passé encore douloureux.
Il me semble que l’intégration du droit de l’Union européenne a été surtout facilitée par un mécanisme inédit, la possibilité offerte aux juges nationaux de poser des questions à la Cour de justice en cas d’interrogation sur le droit communautaire. Par ce dialogue d’un genre nouveau, les réticences traditionnelles ont pu être surmontées au fur et à mesure. Le juge national, via ce biais, était valorisé dans son office puisqu’il était considéré non seulement comme apte à interpréter les règles décidées par les Etats, mais encore à saisir la Cour. Ce mécanisme fut d’abord privilégié par les juges ordinaires, avant que les Cours suprêmes acceptent de s’en saisir. Ce réseau européen de juges nationaux a favorisé la place inédite du droit de l’Union européenne. Là où le niveau international adopte des réglementations de façade, souvent inappliquées – coucou l’ONU, voir L’Organisation des Nations Unies, symbole de l’échec des Etats -, le niveau européen met en place des règles directement applicables (voir L’Union européenne s’intéresse à vos bananes…et c’est normal !).

3 commentaires Ajouter un commentaire