(Fanfare britannique – Londres, Royaume-Uni – 2013)
Qu’y a-t-il de commun entre le discours de Lancaster de janvier 2017, celui de Florence de septembre 2017 ou plus récemment ceux de Munich de février 2018 et de Londres de mars 2018 ?
Ils sont chacun une déclinaison des perspectives britanniques pour le Brexit, reflet des forces politiques en présence, témoin d’un état de l’opinion à un instant t.
Toutes ces variations s’inscrivent pourtant dans le même thème : comment organiser le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, mais chacun de ces discours offre de nouveaux aménagements à même de concilier l’interne (les Britanniques) et l’externe (les Européens).
A force de discourir sur un sujet invariablement identique, Theresa May ne risque-t-elle pas de tomber dans la contradiction ?
Oui et non.
Oui, parce que certaines des lignes rouges présentées en janviet 2017 ont depuis été atténuées, voire ont disparu. A titre d’illustration, l’implication de la Cour de justice est ainsi passée d’inacceptable à tolérable. La période de transition est, de même, devenue un souhait fort des Britanniques, après avoir été au départ balayé d’un revers de main.
Non, parce que le discours de janvier 2017 a été globalement mal interprété- quand il n’a simplement pas été lu. En effet, loin de faire l’apologie du hard Brexit, ce discours fondateur posait les bases des difficultés à venir, en cherchant tout à la fois à rester affiliée au continent et à être en mesure de décider seul (voir En avant pour le « flou » Brexit).
Pour survivre politiquement à cette mission impossible (sortir de l’Union européenne sans y perdre les avantages de l’appartenance), Theresa May tâche d’épouser les évolutions de l’opinion. Au risque de sembler toujours rattraper le temps perdu et de lasser ses partenaires européens.
Or, force est de constater que le contexte politique et économique du Royaume-Uni a considérablement changé au fil des négociations. Perte de la majorité pour les Tories suite à de désastreuses élections anticipées (voir Brexit : l’inconséquence électorale). Difficultés économiques dues aux risques posées par le Brexit (voir Brexit : le primat de l’économie).
Surtout, au fur et à mesure des éclaircissements et précisions que doit apporter Theresa May à sa vision du Brexit, elle se coupe de toujours plus d’alliés. Comme le relevait le cardinal de Retz, « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ».
Car, en attendant, la position de l’UE elle reste invariable. Affichant une unité inédite, les Etats membres ont accepté de s’en remettre à la Commission qui conduit les négociations. A cet égard, force est de constater qu’elle gère plutôt bien la temporalité plaçant sans cesse les Britanniques dans une position de demandeur et donc d’infériorité.
En fin de compte, tous ces discours sont révélateurs des difficultés du Brexit dans lequel se débat Theresa May. Personne ne lui saura gré en interne d’avoir su être raisonnable dans ses revendications. Personne ne la félicitera d’avoir obtenu un accord nécessaire pour l’économie de son pays.
Le Brexit, comme je l’avais écrit il y a 18 mois, sera son chemin de croix (voir Brexit : le chemin de croix de Theresa May). Theresa May est condamnée à parvenir à un accord insatisfaisant. Reste à savoir lequel et qui en paiera le prix. En attendant, on peut toujours prêter une oreille à ses prochains discours qui offriront de nouvelles nuances comme autant de nouveaux renoncements.
Sur l’état de la phase 1 des négociations, voir Brexit ou l’illusion du mouvement.
Sur les discussions autour de la phase 2, voir L’après Brexit : la période transitoire (1/2) et L’après Brexit : l’accord commercial 2/2.
Pour un panorama complet des enjeux, voir Brexit : quels enjeux ?.
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