(Delirium Tremens – Bruxelles, Belgique – 2012)
En 1968, avec une année d’avance sur le programme établi par le Traité de Rome (voir Traité de Rome : sexagénaire Europe), la Communauté économique européenne célébrait le lancement du marché commun.
Ce marché dans lequel les marchandises pouvaient désormais circuler librement avait vocation à répondre au marché américain, et à favoriser les échanges entre les Etats membres. Il se constituait de deux volets : un tarif douanier commun vis-à-vis de l’extérieur, et une absence de taxes à l’intérieur de la Communauté. Ainsi, une marchandise ne pouvait être taxée qu’à son entrée dans le marché, et était libre ensuite de circuler d’un pays à l’autre.
C’est d’ailleurs l’attrait pour ce marché d’un genre nouveau, opéré entre des Etats indépendants les uns des autres, qui a conduit le Royaume-Uni à renouveler par trois fois sa demande d’adhésion. C’est d’ailleurs la force de ce même marché qui conduit aujourd’hui le Royaume-Uni à retarder autant que faire se peut son départ programmé, et à chercher – par tous les moyens – à maintenir des accès privilégiés (voir Brexit : le primat de l’économie).
Au fur et à mesure des élargissements et de l’approfondissement des règles (montée en puissance de la libre-circulation des services et des travailleurs, notamment), ce marché a gagné en importance, au point d’être devenu le premier marché intérieur au monde. Là encore, cette place singulière offre à l’Union européenne un poids particulier aussi bien vis-à-vis des entreprises privées pour les contraindre à se plier aux règles de concurrence, que des Etats tiers pour les pousser à suivre les reconnaissances géographiques. Il est, en effet, difficile pour une entreprise de se priver du premier marché au monde. C’est ce qui avait conduit Microsoft à accepter de s’acquitter de l’amende colossale qu’il avait reçue pour abus de position dominante. 1,2 Mds d’€.
Pour autant, le succès indéniable du marché commun ne doit pas conduire à occulter les lacunes qui persistent. En effet, l’axiome économique a longtemps privé cet espace d’un volet social conséquent (voir L’Europe sociale : une réalité ?), facilitant ainsi la compétition naturelle que se livrent Etats et entreprises. Les premiers ont eu tendance à adapter leur fiscalité pour attirer les secondes. Les secondes se sont tournées là où le coût du travail était le plus avantageux. Dès lors, on a assisté à une concentration des richesses et des emplois vers certains pays, au détriment des autres. La problématique est ainsi apparue aussi bien au niveau de la question des paradis fiscaux (voir Paradis fiscaux : la lutte entravée de l’Union européenne (ParadisePapers 2/2)) que des travailleurs (voir Travailleurs détachés : un dysfonctionnement exemplaire.
Ces problèmes ont été favorisés par la procédure de vote, l’unanimité, qui favorisait le statu quo et ne permettait pas de faire évoluer le droit.
Pour autant, l’Union a pris conscience du problème et a décidé d’intervenir. Une nouvelle réforme du régime des travailleurs détachés a été entérinée en 2017. De même, les règles de la concurrence se sont déployées pour lutter contre les fiscalités abusivement faibles.
Ces premières mesures restent, il est vrai, insuffisantes. Les écarts salariaux et les systèmes fiscaux sont encore trop divers, pour ne pas conduire à des comportements d’optimisation. Même au sein d’un pays comme les Etats-Unis, de telles règles ne sont pas harmonisées. Néanmoins, l’Union pourra difficilement faire l’économie d’une harmonisation, au moins a minima, sociale et fiscale. C’est ici que se situe le cap pour compléter le marché intérieur.
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