Question irlandaise et Brexit : la quadrature du cercle

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(Graffiti – San Marcos, Guatemala – 2017)

Parmi les priorités affichées par les Européens dans la phase 1 des négociations sur le Brexit, le cas irlandais apparaissait comme un problème insoluble, au point d’avoir failli paralyser voire condamner toute issue favorable.

Il convient de souligner d’emblee que la question irlandaise ne figurait pas dans les discussions durant la campagne du Brexit. Tout le monde avait semble oublier combien l’appartenance commune a un meme ensemble contribua au rapprochement entre les peuples et l’abolition des frontières.

Or, justement, un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne emportait logiquement le rétablissement des barrières entre les deux Irlandes, avec le risque de voir ressurgir les divisions au sein de l’Irlande du Nord. Cela faisait pourtant moins de vingt ans que ce territoire connaissait une paix durable. En effet, les accords dites du Vendredi Saint de 1998 mettaient fin au conflit entre les unionistes (maintien dans le Royaume-Uni) et les indépendantistes (rattachement à la République d’Irlande), conflit exacerbé par les divisions religieuses (les protestants face aux catholiques). Ce n’était donc pas un hasard si l’Irlande du Nord s’était prononcée pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Tant l’Irlande que l’Union européenne ont alors fait de la question irlandaise l’un des trois enjeux principaux des négociations, avant toute discussion sur les futures modalités de la relation. Il fallait trouver une solution pour ne pas rouvrir les vieilles plaies, et les Européens (Irlandais inclus) attendaient de la part des Britanniques des propositions concrètes.

Or, en annonçant que le Royaume-Uni quitterait le marché intérieur, Theresa May a placé un temps les discussions dans une impasse. En effet, cela entraînait de facto le retour des frontières entre l’Irlande du Nord et l’Irlande.

Face au risque d’un véto irlandais immédiat, Theresa May a développé une stratégie audacieuse, proposant rien de moins que de laisser la partie nord-irlandaise au sein du marché intérieur. Cela signifiait que cette dernière se retrouvait hors de l’espace douanier du Royaume-Uni, tout en continuant d’y appartenir territorialement.

Forcément, une telle proposition ne pouvait que hérisser le parti nord-irlandais unioniste qui a promptement refusé ce scénario. Ce rejet avait d’autant plus de poids que la majorité de Theresa May au Parlement ne tient depuis les élections anticipées de 2017 qu’à l’adjonction de 10 députés du DUP.

Theresa May s’est donc retrouvée devant une équation insoluble, afin de satisfaire l’ensemble des parties prenantes. 1) Le Royaume-Uni devait quitter le marché intérieur (Brexiters) 2) Le Royaume-Uni devait garantir le non-rétablissement de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord (Irlande). 3) Le Royaume-Uni ne devait pas lâcher l’Irlande du Nord (DUP). 4) Le Royaume-Uni ne pouvait pas rester dans le marché intérieur sans respecter les règles (UE).

En fin de compte, le Royaume-Uni s’est engagé pour ne pas rétablir la frontière. Qu’est ce que ce terme recoupe ? Voila bien une question qui fâche. Un nouveau flou est apparu sur le processus du Brexit. Cela semble impliquer l’absence de toute divergence réglementaire entre l’Irlande du Nord et l’Irlande. Jusqu’où peut aller cette absence de divergence ? En l’absence d’autres solutions, l’ « alignement complet » du Royaume-Uni prévu par l’accord ne signifie-t-il pas le maintien du Royaume-Uni dans le marché intérieur ? Comme l’a si bien relevé Le Monde, la solution à l’équation apparemment insoluble semble se résoudre dans « l’art de réinventer le marché unique » (voir l’article Brexit : l’Irlande sauvera-t-elle le Royaume-Uni ?)

La solution présentée lors de l’accord entre Européens et Britanniques a tout d’un jeu de dupes de la part du gouvernement britannique. Au pire, elle ne règle rien, renvoyant à plus tard l’épineuse question irlandaise. Au mieux, elle signifie le maintien dans le marché intérieur du Royaume-Uni. Sacrés irlandais !


Sur l’état du lieux du Brexit, quelques articles :
Brexit ou l’illusion du mouvement
L’après Brexit : la période transitoire (1/2)
– L’après Brexit : l’accord commercial 2/2

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