(Assemblée nationale – Paris, France – 2017)
Conformément à un engagement du candidat Emmanuel Macron suite à l’affaire Fillon, l’Assemblée nationale a adopté au courant de l’été 2017 deux lois censées préserver/rétablir la confiance des citoyens dans la vie publique française.
Pour se faire, il s’agissait de renforcer l’exemplarité des élus, en réformant une partie des règles de fonctionnement au sein des assemblées. Il ne faut pas oublier que les élus plus que les autres doivent s’astreindre à un devoir d’exemplarité (voir Le devoir d’exemplarité des responsables publics). Parmi les mesures fortes, outre l’interdiction de l’emploi des membres de la famille, figurait l’évolution de l’indemnité de représentation des frais de mandat, l’IRFM. D’un montant de 5373€ , cette indemnité vise à répondre aux besoins du parlementaire dans l’exercice de sa mission. Elle n’est pas liée au « salaire » que reçoit tout parlementaire. Elle ne peut en principe être considérée comme un complément de revenu, et n’a donc pas vocation à être imposable. Par exemple, la location d’une permanence dans la circonscription pour recevoir les citoyens s’inscrit aisément dans ce cadre.
L’absence de transparence et de contrôle jusqu’alors quant à l’utilisation de cette indemnité par les parlementaires avait conduit à certains abus (ex : achat de bâtiment immobilier pour son compte, réservation de voyages personnels, …), enrichissant directement le patrimoine de l’élu (Coucou Jean-Luc Mélenchon). Il semblait donc nécessaire de rappeler les frais pouvant relever de cette enveloppe et de contrôler les sommes effectivement dépensées. A défaut d’avoir des élus divins, on peut tâcher de conjurer leurs faiblesses humaines .
Or, force est de constater que sur ces deux points, la réforme proposée est clairement en deçà des objectifs. Pire, certaines pratiques discutables risquent de se pérenniser. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la déontologue de l’Assemblée, Agnès Roblot-Troizier, est sortie de sa réserve pour exprimer ses doutes et faire part de ses critiques quant à la mouture qui lui a été présentée.
Sur la question des frais imputables, d’une part. La liste énumérée est extrêmement longue. Elle couvre des domaines divers, qui ne devraient pas relever de cette indemnité-là. A titre d’exemple, presque caricatural, un parlementaire peut, via cette enveloppe, s’acheter des habits. Or, ces habits ne sont pas des frais liés à l’exercice du mandat. Ce sont au mieux des frais professionnels, qu’il devrait être possible de déduire lors de l’imposition comme le font de nombreux Français. Mais, l’argent public ne devrait pas servir a priori à financer ce type d’achat. Les frais relevant de cette enveloppe devraient être limités à la location et à l’équipement de la permanence (et la location d’une voiture lorsque c’est utile), au transport, aux frais de personnel surnuméraire – il existe déjà une enveloppe spécifique à cet effet – et aux frais informatiques – en supprimant l’actuelle enveloppe de 15500€ pour 5 ans.
Sur le contrôle des sommes effectivement dépensées, d’autre part. Deux atténuations majeures viennent peser sur l’efficacité de la réforme. Tout d’abord, les députés ne seront pas systématiquement contrôlés. Ils verront leurs comptes examinés une seule fois au cours du mandat. C’est extrêmement peu. Ensuite, les députés bénéficieront toujours de 600€ par mois qu’ils pourront employer à leur guise, et sans justificatifs. C’est beaucoup trop. Certains parlementaires ont invoqué la possibilité de pouvoir verser des sommes minimes à certaines oeuvres de charité sans avoir à obtenir un reçu. Une telle intention est certes louable. Mais, si l’importance est de donner de l’argent à des associations, rien n’interdit aux parlementaires de le faire sur ses deniers personnels.
L’exercice de transparence et de contrôle n’a pas été conduit jusqu’à son terme puisqu’il permet à des parlementaires de mal utiliser l’argent public. Le risque ? Accroître la défiance des citoyens envers leurs élus.
PS : Cette analyse est loin d’être personnelle. Un très bon article de la cellule Investigation de Franceinfo parle de « réforme a minima » (ici).
Sur ce thème, voir aussi Transparence : le reflet de la République et Être un parlementaire aujourd’hui
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