(Tableau – Centre Pompidou Metz – 2010)
Retour sur une expérience assez personnelle, en l’espèce le vol Paris-Dallas avec American Airlines.
Dire qu’accéder au territoire américain relève du parcours du combattant est un joli euphémisme. En réaction aux différentes attaques, les Etats-Unis se sont dotés d’un arsenal toujours plus contraignant pour arriver sur leur sol, y compris lorsqu’il s’agit seulement d’un transit.
Ainsi, avant l’enregistrement des bagages, une hôtesse souriante a souhaité me poser une série de questions. « Que faites-vous de votre temps libre ? » fut la première interrogation, qui avait tout d’anodin. J’y ai répondu avec l’innocence des enfants. « J’écris. » Aussitôt je regrettais cet aparté. Une batterie de questions s’en est immédiatement suivi, énoncées avec la plus vive cordialité. « Vous écrivez sur quoi ? Vous écrivez où ? » Et de répondre sans vouloir trop dire « Sur tout. J’ai un blog ». Et l’hôtesse de demander : « Quelle est l’adresse de votre blog ? » Autant j’aime faire la publicité de mes créations, autant je n’aime pas devoir répondre sous la contrainte. Et puis, je me voyais difficilement évoquer mes articles sur Donald Trump. Ca aurait pu faire mauvais genre (voir La méthode Trump à l’épreuve ou Trump : au nom des autres). Je lui réponds donc simplement que cela ne la regarde pas. Elle m’a répondu : « Ne le prenez pas ainsi. C’est juste des questions. Si elles ne vous conviennent pas, vous pouvez voir avec la sécurité. »
J’estime que niveau sécurité, on est déjà particulièrement servi. On ne présente plus, à cet égard, l’ESTA, doux acronyme qui permet à la première puissance de faire remplir une fiche d’information à l’ensemble des passagers qui voudraient passer par le territoire américain. Inutile de revenir sur les questions qui frisent généralement l’idiotie ou qui surprennent par leur caractère iconoclaste – combien de temps encore faudra-t-il mentionner notre rôle même indirect dans l’Holocauste. Surtout, l’ESTA constitue une violation des accords passés par les Etats-Unis avec le reste du monde, et notamment l’Union européenne. En effet, en faisant payer ces formalités administratives, les Américains ont recréé un quasi-visa, alors même que les Européens ont des accords de dispense réciproques. Hypocritement, ils déploient des autocollants à l’extérieur plutôt que les tampons de visas à l’intérieur du passeport.
Ce formulaire électronique s’accompagne depuis peu d’un interrogatoire le jour de l’embarquement. Et des questions qui ne se limitent plus au motif du voyage ou de sa durée, mais à une série de questions personnelles. La plupart des gens s’y plient sans rechigner, avec l’argument « On peut tout dire. On n’a rien à cacher ». Curieuse inversion qui confond la cause et la conséquence. C’est justement parce qu’on n’a rien à cacher qu’on peut ne rien dire.
Que dire aussi de l’organisation des transferts aux Etats-Unis ? On est, à chaque fois, contraint de sortir de l’aéroport pour être à nouveau contrôlé comme un nouvel entrant, y compris si on est déjà passé par un aéroport américain deux heures auparavant.
Mais, le délire administratif ne s’arrête pas là. Les Etats-Unis réfléchissent sérieusement à demander les identifiants internet (messageries, réseaux sociaux, …) des personnes qui viendraient. Est-il besoin de mentionner qu’il s’agit là d’une violation caractérisée du droit à la vie privée? Jusqu’où irons-nous ? Où arrêtera-t-on le curseur de la fuite en avant des contrôles et des restrictions ?