(Château – Cracovie, Pologne – 2013
Après moults tergiversations et des ultimes mises en garde, la Commission européenne s’est résolue, le 21 décembre, à activer l’article 7 TUE.
Pour rappel, cet article permet in fine de suspendre les droits de vote d’un Etat membre en cas de violation de droits de l’homme. En effet, si l’Union européenne à l’origine d’essence économique s’est longtemps désintéressé de la question des droits de l’homme, elle attache aujourd’hui beaucoup d’importance à cette problématique. Leur respect ainsi que le caractère démocratique d’un Etat sont d’ailleurs des conditions pour rejoindre l’Union européenne.
Le recours à l’article 7 doit être cependant manié avec précaution. Le précédent autrichien montre que plutôt que d’avoir permis un dénouement par le haut de la situation, une telle exclusion avait soudé la population autour de son gouvernement. Pour rappel, en 2000, un gouvernement droite/extrême-droite avait été constitué en Autriche, ce qui avait entraîné un boycott des autres Etats membres de l’Union européenne.
Cette décision apparaît certes bienvenue tant Varsovie méprisait les règles et cumulait les violations à l’Etat de droit. La Commission apparaissait de plus en plus dans une position intenable. Après avoir longtemps menacé d’y recourir, elle ne pouvait pas en fin de compte botter au touche sauf à décrédibiliser totalement ce mécanisme – et elle-même aussi d’ailleurs. Lorsqu’on agite un bâton, il faut être prêt à s’en servir, sous peine de se priver de cet instrument à l’avenir. A un autre niveau par exemple, la ligne rouge fixée par les Etats-Unis et la France envers la Syrie (à savoir, ne pas recourir à des armes chimiques) une fois franchie allègrement par Bachar Al-Assad a renforcé son sentiment d’impunité et a révélé l’impuissance des pays occidentaux.
Pour autant, cette décision a tout du fusil à un coup. En effet, soit la Commission réussit à faire condamner la Pologne, et la sanction de celle-ci devrait inciter cette dernière ainsi que les autres Etats en délicatesse avec l’état de droit à rentrer dans le rang. Soit la Commission échoue à obtenir des sanctions, et la Pologne et les autres se sentiront tranquilles pour agir à leur guise.
Or, il est loin d’être certain que la Commission obtienne satisfaction. En effet, outre la majorité des 4/5e qu’il sera difficile d’obtenir, elle aura besoin pour la dernière étape de l’unanimité. Ce consensus apparaît d’ores et déjà impossible, la Hongrie de Viktor Orban ayant déjà annoncé son opposition.
Justement, le cas polonais ne doit pas faire oublier la problématique hongroise. Viktor Orban multiplie lui aussi les provocations et les atteintes, et a été le premier dirigeant à évoquer le concept antinomique de « démocratie illibérale » (voir 2017 : le crépuscule de la démocratie ?) Pourquoi alors ce pays ne fait pas déjà l’objet d’une procédure similaire ? L’appartenance du Fidesz à la principale formation au Parlement européen, le Parti populaire européen, n’y semble pas étrangère.
Face à ce blocage institutionnel, le seul recours possible pourrait être de poursuivre conjointement la Pologne et la Hongrie pour les réformes du système judiciaire au fond assez voisines et ainsi éviter le véto hongrois ? Rien n’indique qu’une telle procédure soit possible, rien ne l’interdit plus. Ce sera alors à la Cour de justice de délivrer un arbitrage.
Mais, qu’en sera-t-il de toute façon de l’Autriche (voir Autriche : à droite toute ?), de la Bulgarie ou de la Roumanie ? Iront-ils condamner une situation qui pourrait un jour leur arriver ?
En activant l’article 7, la Commission a mis fin à l’équilibre de la terreur et lancé les hostilités. A la différence de Kennedy toutefois, ce n’est pas elle en la matière qui a le dernier mot. Et que le doigt de certains Etats tremble, et c’est tout l’édifice qui pourrait vaciller. Le coup est parti. Attention à ne pas manquer la cible.
Voir aussi Article 7 : au tour de la Hongrie !, Hongrie, Pologne, Roumanie : à l’Est du nouveau et L’élargissement à l’Est : une erreur historique ?
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