National Health Service : le grand corps malade du Brexit ?

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(Oeuvre de Picasso – Tate Modern, Londres – 2012)

Parmi les institutions phares du Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) occupe une place particulière. Sorte d’équivalent anglais de la sécurité sociale, il gère depuis 1948 la politiques de santé publique au Royaume-Uni. Véritable « religion nationale », la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012 avait mis sur le devant de la scène le NHS. Imagine-t-on la France faire de même en 2024 avec son propre système de santé ? C’est là l’un des paradoxes des Britanniques, libéraux par principe, mais étatiques par exception. Ainsi, à l’instar de la gratuité de leurs musées pour tous, les Britanniques privilégient un accès gratuit à de nombreux soins.

Symbole de cette conception radicale, la majorité des médecins généralistes médicaux contractent avec le NHS qui leur verse ensuite une rémunération liée aux caractéristiques de la population et à des objectifs de santé, notamment au niveau de la régulation. On est loin ici de la grande marge de manœuvre accordée aux médecins français. Cette association poussée permet d’afficher de bons résultats à un moindre coût.

Toutefois, le NHS est actuellement une institution sous pression. Elle n’a pas été épargnée par la cure d’austérité qu’a connu le Royaume-Uni.

Cette situation difficile a trouvé un certain écho durant la campagne référendaire britannique. En effet, plusieurs partisans du Leave ont établi une corrélation entre l’Union européenne et le NHS. Ainsi, reprenant à leur compte des chiffres biaisés et dépourvus de liens, ils ont considéré que la contribution financière du Royaume-Uni pourrait, plutôt que d’alimenter le budget européen, répondre aux besoins du NHS. C’était le fameux « 350 millions de livres par semaine ». Ultime réminiscence du « I want my money back » de Margaret Tchatcher. Instrument de démagogie, ce slogan repose sur de nombreuses fausses orientations. Il ne tient compte ni des retours financiers européens ni des apports de la construction européenne comme le marché intérieur (voir Budget européen : dure réalité (1/2)). Il n’aura fallu que 24 heures après le vote à ces mêmes politiciens pour reconnaître qu’il s’agissait là d’une promesse intenable.

Or, le Brexit pourrait avoir, en réalité, un impact défavorable sur le système de santé britannique.

D’une part, le NHS est particulièrement dépendant de la main d’oeuvre étrangère, notamment européenne. Grâce à la reconnaissance des qualifications et à la liberté de circulation des personnes, de nombreux ressortissants européens sont venus s’installer pour travailler au Royaume-Uni. En plus de remettre en cause leur situation acquise – et sans en connaître les proportions réelles -, le Brexit a remis à l’ordre du jour la question sensible de l’immigration au sein de la société, avec des manifestations malheureuses parfois. En fin de compte, avec le maintien de l’ambiguïté sur leur situation, due notamment au flou qui entoure les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, cette main d’oeuvre qui fait aujourd’hui tourner le NHS est dans l’incertitude et certains commencent à partir.

D’autre part, le NHS bénéficie de l’accès au marché intérieur européen. Il lui permet d’acheter des produits de santé, d’organiser des coopérations avec les autres établissements à travers l’Europe et de mener collectivement des travaux de recherche. Là encore, l’ensemble de ces secteurs pourrait être impacté par une séparation brutale du continent.

A titre d’exemple, la possible sortie d’Euratom (Communauté européenne de l’Energie atomique) consécutive au retrait de l’Union se révèle un véritable casse-tête pour le Royaume-Uni. Celui-ci veut sortir par tous les moyens de l’orbite de la Cour de justice et du droit européen. Son départ mettrait toutefois fin aux importations de radio-isotopes utilisés dans la médecine. La chambre des Lords en a débattu cet été, sans trouver pour autant trouver une solution afin de concilier ces objectifs contradictoires (voir Brexit : que vive Busiris en Europe !).

Loin d’aider au redressement du NHS, le Brexit pourrait aggraver sa situation. Contrairement aux promesses des partisans du Leave, le Brexit n’annonce pas des lendemains qui chantent pour le NHS. Plus généralement, c’est surtout l’état économique du Royaume-Uni sortie de l’Union qui sera déterminant pour le système de santé britannique, financé presque intégralement par l’impôt.


Pour s’y retrouver dans la classification des articles du Brexit, voir Phase 2 : En attendant le Brexit.

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