(Hôtel de Ville – Vienne, Autriche – 2010)
La récente victoire des Conservateurs (ÖVP) aux élections législatives de 2017 en Autriche a quelque peu caché la situation politique particulière de ce pays.
En effet, en l’état, les Conservateurs ne disposent actuellement pas d’une majorité absolue au sein du Conseil national. Il leur faut donc pour gouverner trouver un allié de poids.
Or, les élections législatives ont placé, juste en dessous des Conservateurs, deux forces politiques opposées, les Socialistes (SPÖ) et l’Extrême-Droite (FPÖ).
A priori, une lecture franco-allemande de la question pourrait laisser penser que le choix est facile. Les Conservateurs de ces deux pays refusent toute alliance de principe avec l’extrême-droite. Une grande coalition à l’allemande (Gauche-Droite) semblerait donc aller de soi.
Il n’en est pourtant rien. Trois raisons à cela.
Tout d’abord, les Socialistes et les Conservateurs viennent seulement de retrouver quelque couleur après un premier tour catastrophique à l’élection présidentielle de 2016. Pour rappel, étaient arrivés au second tour le candidat d’extrême-droite et le candidat écologiste, devançant les deux principaux partis de gouvernement (voir Halte à l’Europe des populismes !). Il était notamment reproché à ces derniers une proximité répétée dans leurs programmes. Le fameux « bonnet blanc et blanc bonnet ».
Ensuite, les Socialistes, à regarder leurs voisins allemands, ne peuvent qu’être échaudés par l’idée d’une alliance où ils ne constitueraient qu’une force d’appoint. En effet, le SPD a souffert de cette participation au Gouvernement allemand sans jamais le diriger.
Par ailleurs, les Conservateurs ont déjà éprouvé – avec succès – une alliance avec l’Extrême-Droite. Contrairement aux craintes européennes, l’extrême-droite pour avoir le droit de gouverner avait remisé au placard nombre de ses propositions.
Pour autant, cette gouvernance baroque est porteuse de certains risques.
Déjà, on ne peut que regretter qu’à l’heure où l’Europe connaissait un recul des populistes, ceux-ci aient enregistré coup sur coup, en Allemagne comme en Autriche, deux victoires. Sans oblitérer la responsabilité des partis politiques sur place, la mauvaise gestion européenne des crises des réfugiés et de l’euro aura certainement pesé dans ces décisions.
Au demeurant, le compagnonnage avec un tel parti est susceptible de ralentir le processus d’intégration européenne, nécessaire aujourd’hui plus que jamais.
En définitive, les partis politiques autrichiens proeuropéens s’honoreraient à travailler ensemble pour réussir face aux populistes et permettre à l’Europe d’avancer dans cette étape décisive.
En attendant, les Européens auront déjà à s’intéresser aux élections législatives en République Tchèque où un autre populiste pourrait arriver en tête, au risque de tendre davantage les relations entre la « vieille » Europe et la « nouvelle » Europe (voir Hongrie, Pologne, Roumanie : à l’Est du nouveau).
« Par ailleurs, les victoires des mouvements populistes en 2016, loin d’avoir un effet domino, ont suscité une réaction inverse. » Voilà ce que vous écriviez fin mai 2017, et moins de 6 mois après on constate que les faits ne vous ont pas donné raison: l’AFD arrive en troisième position en Allemagne (avec un effondrement du SPD dont le candidat est president du parlement européen), l’extreme-droite autrichienne participera vraisemblablement au gouvernement, l’eurosceptique tchèque remporte les legislatives… Il semble que l’Europe soit en bien plus mauvaise posture que ce que vous escomptiez.
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Vous avez partiellement raison. Des populistes ont obtenu des bons scores dans 3 pays européens. En cela, je vous donne raison.
Pour autant, le succès de l’AfD par exemple n’est pas tant du à ses critiques contre l’Union européenne, mais contre la politique migratoire. De même, l’extrême-droite autrichienne ne prône pas du tout une sortie de l’UE, mais se concentre sur l’immigration. En cela, je nuance donc votre conclusion finale. L’Europe n’est pas la principale affectée.
Pour autant, je me désole que les Européens ne soient pas à la hauteur de leurs valeurs.
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Ne pensez-vous toutefois pas que les critiques sur la politique migratoire dans ces pays visent également la gestion de cette politique par l’Union européenne ?
En outre, ces partis affichent un euroscepticisme, à géométrie variable certes, mais quand même un euroscepticisme, affectant de facto l’Europe.
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La gestion ? Encore faudrait-il qu’il y ait eu une quelconque gestion de la part de l’Union. A la rigueur, ils devraient reprocher l’absence justement d’une véritable politique migratoire à même de répondre à ce défi.
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Il semble que votre raisonnement sur une improbable Grande coalition se confirme, en ce que les négociations s’ouvrent uniquement avec le FPÖ. Selon vous, l’Union européenne doit-elle craindre cette coalition, étant entendu que pour le dirigeant conservateur S. Kurz, « une orientation proeuropéenne claire » est un prérequis pour entrer dans son gouvernement (cf. Le Monde). En outre, peut-on faire un parallèle, comme vous l’avez fait, avec l’Allemagne, et penser que le FPÖ ne sera qu’une force d’appoint pour les conservateurs ?
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Tout dépend à quel niveau on place le curseur pour l’Union européenne. Sur l’acquis actuel, je ne pense pas qu’une telle alliance remette en cause l’existant. Mais, une telle coalition sera-t-elle en phase avec les projets d’intégration portés aujourd’hui par Emmanuel Macron ou Jean-Claude Juncker ? Rien n’est moins sûr.
Au vu des déclarations du futur Premier ministre autrichien, il est fort probable que le FPO ne soit qu’une force d’appoint. Pour autant, c’est comme faire entrer le loup dans la bergerie. Si vous pouvez surveiller le loup et garantir l’intégrité de vos moutons, tant mieux. Mais, il y a fort à parier que sa présence finisse par déteindre.
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