On peut reconnaître un mérite à Jean-Luc Mélenchon : apparaître là où on ne l’attend pas, surprendre. A cet égard, sa dernière saillie contre le drapeau européen a permis de faire sortir de l’ornière un passe-temps rarement partagé à haute voix – mis à part par Sheldon, héros un brin original de la série The Big Bang Theory -. Au fond, il était certainement temps que ce blog s’attaque à la vexillologie – autrement dit, l’étude des drapeaux.
Pour celles et ceux qui ne suivraient pas avec intérêt l’actualité nationale, un petit rappel s’impose. Après avoir vitupéré théâtralement contre sa présence dans l’Hémicycle en début de législature, Jean-Luc Mélenchon et son groupe parlementaire, la France Insoumise, ont déposé un amendement pour enlever ledit drapeau. Il y avait assurément du Molière dans ce Jean-Luc Mélenchon. « Ôtez-moi ce drapeau que je ne saurais voir » aurait-il pu dire. Cette inventivité a d’ailleurs fait des émules de l’autre côté du spectre électoral, puisqu’une députée non-inscrite a proposé le retour du drapeau blanc – celui du Roi, pas celui de la paix.
On pouvait penser que les applaudissements quasi unanimes de l’Assemblée nationale lors de l’évocation du drapeau européen pendant le discours d’intronisation de François de Rugy auraient mis un terme à cette question. Il n’en était rien. Néanmoins, le débat suscité par la France insoumise soulève plusieurs points qui méritent qu’on s’y attarde.
Tout d’abord, la France insoumise invoque le caractère confessionnel du drapeau européen. Sans revenir sur les origines du drapeau européen (un bon article sur la question : ici ), il me semble intéressant de rappeler les origines de notre propre drapeau. En effet, le blanc du drapeau français représente la Royauté, et le rouge et le bleu étaient les couleurs de Paris. Pourtant, il n’y a personne – ou presque – pour dire que ce tricolore n’incarne pas l’ensemble des Français. Reprocher une origine à un drapeau n’a donc pas de sens, l’important, c’est le sens que les gens lui donnent. Et jusqu’à cette polémique, la plupart des citoyens se contentaient d’identifier le drapeau de 12 étoiles d’or sur fond bleu à l’Europe. Et c’était déjà un bon point.
Surtout, le discours tenu par Jean-Luc Mélenchon ne tient pas compte d’un aspect pourtant essentiel. L’Assemblée nationale n’est plus seulement une chambre qui vote les lois au niveau national, elle assure des fonctions au niveau européen. Et ce ne sont pas les traités européens qui le disent, mais la Constitution française (article 88-1 et suivants). Ainsi, si Jean-Luc Mélenchon prenait la peine d’ouvrir sa Constitution de la Ve République – ce qui doit le déranger quelque peu en tant que chantre d’une VIe République, voir Une nouvelle République : encore ?), il y découvrirait dès l’article 88-1 de la Constitution que « la France participe à l’Union européenne ». En prolongeant un peu le fil de la lecture, il verrait que l’Assemblée nationale a à connaître des textes européens (article 88-4) et dispose même d’une procédure un peu particulière pour empêcher l’adoption d’un texte européen (article 88-6).
Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon fait semblant de croire que le « non » au référendum de 2005 est lié à la question des symboles européens. C’est évidemment faux (sur le Traité de 2005 et les raisons de son échec, voir Traité constitutionnel : un échec pavé de bonnes intentions).
Enfin, et comment ne pas terminer par-là, la France insoumise proposait le remplacement du drapeau européen par le drapeau des Nations-Unies. Outre que le forum mondial des Nations ne sert pas à grand-chose (voir L’Organisation des Nations Unies, symbole de l’échec des Etats), la France ne doit pas négliger son appartenance européenne. Elle devrait être fière d’avoir été non seulement l’inspiratrice mais aussi l’un des membres fondateurs de cette Union, passée de 6 Etats à 28 – et peut-être 27.
Le projet de la France insoumise aura au moins eu un mérite. Permettre à la France d’enfin reconnaître officiellement les symboles européens. C’est là un pas important en vue d’instiller en France une identité européenne.
Sur cette question, voir aussi La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B.
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