(Oeuvre – Centre Pompidou-Metz – 2011)
L’actualité a offert à l’Europe trois discours d’une extrême importance : le discours sur l’état de l’Union de Jean-Claude Juncker (voir Un Président de l’Europe, un chantier en devenir), celui de Theresa May sur le Brexit (voir Brexit : le primat de l’économie) et donc celui d’Emmanuel Macron sur le devenir de l’Europe.
Trois temps où les vagues mauvaises qui menaçaient de couler le projet européen ont fait place à des vents porteurs. Même le discours de Theresa May, exercice de renoncements britanniques, reflétait le changement de paradigme en l’espace de quelques mois.
Que retenir du discours d’Emmanuel Macron ? La flamme déjà. Ce souffle déjà présent à Athènes sous l’égide du Parthénon. La poursuite au fond d’un engagement déjà affiché tout au long de la campagne présidentielle (voir Election présidentielle : l’Europe, combien de divisions ?). Les envolées lyriques et les punchlines qui ont égrainé une présentation de presque deux heures (« Je n’ai pas la zone euro honteuse » / « Je n’ai pas de lignes rouges, je n’ai que des horizons »/ »Bruxelles, c’est nous, toujours, à chaque instant »/ »Nous avons oublié de défendre l’Europe, nous avons oublié de proposer pour l’Europe »/ »Nous sommes les héritiers de deux déflagrations (…) L’idée a triomphé des ruines »).
Ce serait déjà bien, et ce ne fut pourtant qu’une esquisse de l’essentiel. Car oui, la forme sans le fond ne permet jamais de dépasser les frontières et les clivages. La forme sans le fond ne permet pas de projeter autre chose que sa propre ombre.
Sans verser dans le catalogue, il est difficile de lister l’ensemble des propositions avancées par Paris devant un parterre d’étudiants. Tout y est passé ou presque, exhumant ici la taxe sur les transactions financières ou développant là un parquet terroriste. Bref, Florian Philippot ne devait pas être loin de l’infarctus.
Et c’est peut-être là le seul véritable reproche qu’on pourrait adresser à ce discours fleuve. Certes, le fil directeur était limpide. Mais, les écarts et les ramifications paraissaient parfois trop nombreuses, au risque de perdre le cours du récit.
Certes, on n’a pu souvent dénoncer le flou entourant toute perspective du projet européen pour ne pas saluer cet effort de précision (voir Les 27 en quête d’un cap). Mais à se focaliser sur chacune des mesures on peut perdre l’impression d’ensemble, surtout lorsque l’auditoire est peu au fait de ces questions.
En réalité, cette liste de mesures ressemble à s’y méprendre à l’esquisse d’une Europe à la carte/à plusieurs vitesses où chacun pourrait choisir ce qui l’intéresse et seulement ça. Pas sûr que c’est ainsi qu’on rapprochera les citoyens de l’Europe (voir Les risques d’une Europe à la carte). Mais, était-ce vraiment à eux que s’adressait ce message ?
N’était-ce plutôt une tribune en direction des autres États membres ? Si c’est le cas, en offrant de puissantes concessions (Commission à 15 sans forcément un Français, financement européen via la TTF…), la France a certainement montré la voie à l’ouverture d’échanges constructifs avec ses partenaires. Reste à associer les citoyens, les principaux concernés. Un forum démocratique via internet permettrait par exemple de faire ressortir les principales attentes et d’orienter l’Europe sur ces questions.
La France semble – enfin – prête à se positionner sur la question européenne. De là à convaincre Etats et citoyens de s’engager sur ce tempo là ? Accorder l’instrument polyphonique qu’est l’Europe, est assurément un travail de titan. Mais, l’ampleur de la tâche ne doit jamais décourager les efforts pour avancer. A toute odyssée, il y a une fin heureuse.
Voir aussi Europe et citoyens : couple paradoxal.
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