Un Président de l’Europe, un chantier en devenir

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(Trône de l’Empereur – Château de Fontainebleau – 2011)

Deux en un. Ce n’est pas la nouvelle formule d’un programme de lessive qui voudrait laver plus blanc que blanc. Deux en un, c’est l’une des annonces faites par le Président de la Commission européenne dans son discours sur l’état de l’Union le 13 septembre 2017. Certes ce n’est pas l’une des évolutions les plus sexys proposée par Jean-Claude Juncker, mais c’est peut-être l’une des plus importantes. Réunir en une personne les deux postes actuels de Président de la Commission européenne et Président du Conseil européen (pour un petit rappel, voir Le fonctionnement de l’Union pour les profanes).

Assurément, le cercle des amateurs en droit européen a déjà célébré le retour de cette arlésienne qui promet bon nombre d’implications futures. Mais, les non-initiés auront du mal à cerner l’intérêt de cette proposition. De quoi s’agit-il très exactement ?

Pour rappel, au sein de l’Union européenne, le président de la Commission européenne occupe peu ou prou la fonction de chef de gouvernement. Il est à l’initiative pour proposer des textes législatifs (en l’occurrence, des règlements ou des directives). Le président du Conseil européen (cénacle des chefs d’Etats et de gouvernement) occupe, quant à lui, un rôle un peu particulier. Par son statut, il pourrait être conduit à incarner l’Europe. Par sa fonction, il pilote surtout les compromis entre les dirigeants des Etats membres.

Réunir ces deux fonctions aurait donc plusieurs mérites.

Tout d’abord, la réunion de deux postes pour une personne aurait l’avantage évident de favoriser auprès des citoyens une meilleure représentativité de l’Union européenne. On a assez glosé sur l’absence d’incarnation du projet européen pour ne pas souligner l’avancée que représenterait une figure identifiable au plus haut sommet de l’Union. Ce n’est pas faire injure aux titulaires des postes actuels, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, que de noter qu’ils ne jouissent pas d’une réelle notoriété auprès de la population. De facto, la personnalité qui occuperait les deux fonctions pourrait être considérée comme le « Président de l’Europe ». L’Europe aurait enfin UN numéro de téléphone (voir Europe : une puissance internationale ?).

Ensuite, ce cumul permettrait de clarifier la structure institutionnelle, en rapprochant le Conseil européen et la Commission. En effet, si le Conseil européen est censé donner l’impulsion, et que la Commission doit en principe proposer les textes qui découlent de ce projet, il est préférable que ces institutions travaillent de concert, plutôt qu’en vase clos. Une même personne sera, en mesure, de faire la courroie de transmission.

Pour autant, cette nouvelle architecture n’est pas sans incidence. En effet, actuellement, le Président de la Commission est nommé par le Conseil européen en tenant compte des résultats aux élections européennes. Ensuite, sa désignation doit être ratifiée par le Parlement européen. Or, en 2014, ce dernier a imposé que le Conseil européen choisisse le candidat arrivé en tête. Cette interprétation extensive de son rôle a été très moyennement acceptée par le Conseil européen (voir La revalorisation du Parlement européen : quel bilan ? et Spitzenkandidaten : bal tragicomique à Bruxelles). Cependant, à l’époque, les chefs d’Etat et de gouvernement pouvaient encore se dire qu’ils désignaient au moins seuls le Président du Conseil européen. A l’avenir, le choix populaire pourrait conduire à mettre à la tête du Conseil européen une personne que les chefs d’Etat et de gouvernement qui composent cette institution ne voudrait pas. On imagine d’emblée l’ambiance.

Il convient d’ajouter que la pertinence du Conseil européen ne peut que se poser à terme, si le Président à double casquette est élu au suffrage universel direct. En effet, sa légitimité se confronterait à celle de ses pairs au Conseil européen. Le programme du Président ne suivrait plus nécessairement le calendrier des chefs d’Etat et de gouvernement. Qui devrait l’emporter ? Mystère.

Surtout, une telle réforme ne peut voir véritablement le jour qu’à condition de mettre en avant des figures un minimum charismatiques et propres à défendre le projet européen. Cela passe par un aggiornamento profond de la sélection des candidats et à une participation en amont des citoyens dans ce processus (voir Europe et citoyens : couple paradoxal). L’essentiel n’est pas tant d’avoir un numéro de téléphone, l’objectif doit être de choisir qui est à l’autre bout de la ligne.


Sur la présentation des enjeux complets des élections européennes, voir Elections européennes 2019 : l’heure d’un débat public ?

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