(Structure carnavalesque – Remedios, Cuba – 2015)
La situation au Venezuela ne cesse de s’aggraver. A la crise économique durable s’est greffée une crise politique majeure. Le Parlement démocratiquement élu se retrouve concurrencé par une « Assemblée constituante » au service du Président Maduro. Ce dernier, en grande difficulté, a décidé de jouer son va-tout et de lier son destin personnel à l’avenir du pays.
Or, les « pudeurs de gazelle » – expression consacrée par Jean-Luc Mélenchon – de certains hommes politiques sur la situation de ce pays ne peuvent manquer d’interpeller. En effet, il y a quelque négligence coupable à ne pas voir la dérive autoritaire d’un régime qu’une partie de la gauche a longtemps soutenu.
Cette situation est pourtant loin d’être inédite. Ce n’est pas la première fois qu’intellectuels et hommes politiques se fourvoient sur la situation de pays qui ont basculé dans la « révolution » qu’elle soit prolétarienne ou bolivarienne.
Il suffit de se souvenir de l’aura dont a longtemps bénéficié l’URSS. En dépit des alertes émises dès 1936 par certains (lire, à cet égard, le magnifique panorama d’André Gide dans Retour d’URSS (voir Retour de l’URSS d’André Gide : l’analyse clairvoyante d’un intellectuel) qui dissipe déjà bien des illusions, il a fallu attendre 1956, avec le rapport Khrouchtchev et la répression en Hongrie et en Tchécoslovaquie pour que les premiers revirements aient lieu. Mais, c’est surtout avec Soljenitsyne et le Printemps de Prague que le divorce sera définitivement acté entre l’intelligentsia de gauche et l’URSS.
Ce fourvoiement de grande ampleur aurait pu servir de leçon. Il n’en a rien été. L’URSS avait failli, soit. Mais, il ne fallait pas jeter le bébé communiste avec l’eau du bain russe. Et plusieurs de s’enticher de la Chine et de Cuba, véritables porte-étendards de la révolution. Cet épisode ne fut guère plus glorieux que le précédent. Si la révolution culturelle tentée par Mao a refroidi bon nombre de ses soutiens, le régime castriste continue de bénéficier d’une certaine mansuétude. Malgré des réalisations indéniables (« bon » système de santé, accès à l’éducation, …), le communisme à Cuba est aussi un échec cuisant. Le flot de touristes qui se déversent sur l’île dans des circuits fermés ne voit pas – ou feint de ne pas voir – l’état réel du pays. Forcément, les plages au sable blanc avec un mojito dans la main sont de puissants remèdes à la prise de conscience. Il suffit d’aller à la Havane, pour voir en plein centre – dès lors qu’on sort des incontournables places touristiques – des immeubles en ruine, des familles à la rue. Il est vrai que ce panorama est bien moins glamour que les cartes postales vendues à prix prohibitif.
Plus récemment, c’est le régime chaviste qui a bénéficié de cet élan de solidarité internationale. Et là encore, les premiers chantiers étaient prometteurs. Pourtant, aujourd’hui, la réalité apparaît crument. La corruption est endémique, l’état de l’économie catastrophique. Le pays qui bénéficie pourtant de fortes réserves d’hydrocarbures est obligé d’importer. Il manque par ailleurs de nombreuses matières premières. Et pour arriver à cet état, il n’a fallu nulle intervention de la CIA ou d’agents extérieurs, juste la gabegie et l’amateurisme d’un régime.
Comment expliquer alors cet aveuglement durable ? Il y a souvent un relent d’antiaméricanisme primaire qui s’exprime dans ce soutien enamouré à tout adversaire des Etats-Unis. Il y a aussi une adhésion aux principes universels et extrêmement beaux qui sous-tendent toutes ces révolutions.
Force est de constater que Jean-Luc Mélenchon a payé – électoralement parlant – ce soutien parfois trop démonstratif envers un régime qui n’est plus qu’un ersatz de démocratie. Son désir d’associer la France à l’Alliance bolivarienne a déplu. Personne ne fut dupe quant au motif invoqué : « rapprocher la Guyane de ses voisins ». En effet, les principaux partenaires de la Guyane ne sont pas dans cette Alliance. Ce sont le Brésil et la Colombie, qui sont dans le Mercosur et avec lequel l’Union européenne cherche justement à se rapprocher.
Il serait temps que l’intelligentsia française de gauche coupe définitivement le cordon avec ces pays. Cela ne signifie pas que de l’autre côté du spectre politique, les accointances avec la Hongrie ou la Russie soient meilleures.
Dans la lignée de cet article, vous pourrez trouver un article sur le positionnement ambivalent d’une partie de la gauche à propos de l’Europe (voir La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B).
Je partage ton analyse sur la stupidité et l’aveuglement d’une certaine gauche française. Quand je pense que dans les années 70 des intellectuels de renom se voulaient maoïstes. Je partage également ton analyse du cas Maduro qui est désormais à la tête d’un régime autoritaire et la situation économique dramatique est de son fait.
En revanche, on ne peut pas d’une manière générale exclure l’intervention des USA dans l’histoire de ce pays. Le coup d’État à l’encontre de Chavez s’était fait en coopération avec l’hyperpuissance du nord. On ne peut pas non plus nier qu’un certain nombre de journalistes occidentaux à l’époque de Chavez, qui qualifiaient sans vergogne ce dernier de dictateur, servaient objectivement des intérêts qui n’étaient pas ceux du peuple vénézuélien et travestissaient la réalité. A l’époque de Chavez, on ne tirait pas sur les manifestants, on ne truquait pas les élections et on n’emprissonnait pas les opposants. Quant à Cuba, je rejoins également ta conclusion, mais il faut aussi préciser qu’historiquement Castro n’était pas un soviétique pur jus. Il voulait à juste titre se débarrasser du dictateur en place et nettoyer l’île de la mafia qui en avait fait un casino géant. L’hostilité américaine à son égard l’a en quelque sorte poussé vers l’autre superpuissance. Ils avaient fait la même erreur avec Nasser en refusant de lui accorder un prêt pour la construction du barrage d’Assouan sous prétexte qu’il voulait rester neutre dans la guerre froide. Cette logique du « if you’re not with us, you’re against us » très pratiquée par les leaders du monde libre s’est retourné contre eux puisque c’est l’URSS qui a finalement accordé ce prêt à l’Égypte. Je ne fait point preuve d’anti-américanisme, mais il ne faut pas nier le nombre d’atrocités et de dictatures qu’ils ont encouragé et provoqué partout dans le monde. Et pour l’Amérique latine, ça va même plus loin puisque les tortionnaires chargés d’interroger les opposants ont souvent été formés par les américains eux-mêmes, notamment avec l’aide de l’expert français Paul Aussaresses. Évidemment si on compare à l’époque la vie en URSS et la vie aux États-Unis, cette dernière est infiniment préférable, mais si on compare la vie au Chili sous Pinochet dont les États-Unis sont responsables et la vie à Cuba sous Castro à la même époque dont l’URSS est responsable, il est plus difficile de faire son choix.
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Je te rejoins sur la totalité des points évoqués.
Particulièrement, les Etats-Unis, par le passé, sont intervenus pour renverser des gouvernemenrs démocratiquement élus.
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Non, cela ne date pas des années 70, depuis la fin de la seconde guerre mondiale le rôle collaborationniste des communistes a été gommé pour les présenter comme anti-nazi alors qu’ils ont commencé par soutenir le Reich.
Non, ce n’est pas de l’aveuglement. C’est du mensonge!
Rappelons que contrairement à l’idée propagée implicitement, l’URSS n’a jamais été étanche : les Occidentaux pouvaient y aller en touriste. Pas partout évidemment, certaines régions n’étaient pas ouvertes, et un touriste ne pouvait pas librement se balader en Russie avec son visa d’entrée : il fallait un permis pour aller d’un lieu à l’autre.
Mais les touristes pouvaient entrer dans le pays, voir la réalité d’une ville soviétique typique, repartir et raconter ce qu’ils avaient vu.
Donc la réalité de la vie quotidienne des soviétiques, les files d’attente interminables, les dysfonctionnements… rien de cela ne pouvait être ignoré. Ceux qui prétendaient ne pas le voir l’ignoraient donc VOLONTAIREMENT.
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« Il serait temps que l’intelligentsia française de gauche coupe définitivement le cordon avec ces pays. »
Ils le feront mais uniquement pour la forme, pour ne pas risquer de recevoir les éclaboussures du sang des opposants!
Ils condamneront des « excès » de ces régimes et pas un problème profond.
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