(Vue intérieure de l’Atomium – Bruxelles, Belgique – 2012)
Au cours des années 1970, une formule de l’universitaire britannique David Marquant fit florès à propos de la construction européenne encore balbutiante : l’existence d’un « déficit démocratique ».
Cette analyse reposait alors sur le caractère technocratique du projet, pensé par quelques hauts fonctionnaires et appliqué par des dirigeants, loin, disait-on, très loin, des considérations du peuple.
Ce déficit démocratique était aisément identifiable, en l’absence d’Ecclesia pour assurer la représentation des populations en Europe. L’auto-proclamé Parlement européen – dès 1962 – n’était encore qu’un pâle reflet de la composition des Parlements nationaux qui y envoyaient leurs délégations.
On peut déjà noter que l’expression se focalisait sur un seul volet de la démocratie, la question de la représentation du peuple, négligeant le second volet, celui des droits fondamentaux.
Cette absence de parlementarisation et l’orientation économique au départ – péchés originels de cette construction – servent encore de prétextes à certains pour estimer que le projet européen serait éternellement vicié. Cette interrogation peut sembler pertinente. Existe-t-il encore un déficit démocratique au sein de l’Union européenne ?
Déjà, à l’époque, la formule semblait plus viser le passé que le présent. En effet,l’aiguillon cumulé des cours constitutionnelles italienne et allemande avait conduit la Cour de justice à appréhender les droits fondamentaux comme élément essentiel du droit européen. A cette première esquisse, se sont greffées une série toujours plus étendue de droits fondamentaux, dont le couronnement fut sans aucun doute, l’adoption de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2000. Mis à part quelques personnes qui évoquent pour le plaisir de l’image de l’UERSS, ce deuxième volet de la démocratie est globalement considéré comme satisfait.
Surtout, les années 70 connurent un tournant majeur dans l’organisation de la construction européenne. En effet, 1976 marqua un nouveau chapitre avec l’élection au suffrage universel direct des députés européens. Là encore, à ce premier moment, il faudrait ajouter la lente mais perpétuelle revalorisation des compétences de cette institution (voir La revalorisation du Parlement européen : quel bilan ?). Le Parlement représente aujourd’hui une institution égale avec le Conseil (c’est-à-dire les Etats membres) et d’être une pièce majeure du puzzle institutionnel européen (voir Le fonctionnement de l’Union pour les profanes).
Ces évolutions ont donc permis d’estomper cet apparent déficit démocratique.
Pourtant, il est usuel d’entendre que l’Union européenne souffre toujours de ce problème. Cette critique délivrée en boucle sans aucune analyse permet d’éviter tout débat de fond sur l’avenir du projet européen. A cet égard, les chemins parfois empruntés par la Cour constitutionnelle allemande pour parvenir à cette conclusion entravent toute véritable étude de la nature singulière de ce projet.
Néanmoins, si le déficit démocratique est peu ou prou résorbé, toute problématique n’est pas résolue. Il suffit de regarder la faible participation aux élections européennes – à nuancer toutefois lorsqu’on la compare avec celle des élections législatives françaises – pour apercevoir que les efforts effectués s’avèrent encore insuffisants, ou plutôt incomplets.
Oui, plus que la question du déficit démocratique, c’est la persistance du malaise civique qui intrigue. Et cette désertion des urnes traduit plus qu’un désintérêt, une incompréhension. C’est une affaire d’éducation et de pédagogie. C’est l’erreur faite trop souvent. Comme le déplorait le philosophe Alexis de Tocqueville à propos de la défunte IIe République, on avait fait « une République sans faire des Républicains ». L’erreur fut peut-être par analogie de « faire l’Europe sans faire des Européens ». C’est peut-être là une véritable donnée à considérer pour rapprocher les citoyens de l’Europe.
Sur ce thème, voir aussi Europe et citoyens : couple paradoxal
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