(Palais de l’Elysée – 2012)
En 2005, P. Delvolvé, professeur de droit public avait intitulé l’un de ses articles, L’été des ordonnances. En effet, il déplorait alors le recours quasi-systématique à ce procédé qui était à la fois cause et conséquence d’une crise de la loi.
Le souhait affiché par le Gouvernement d’Edouard Philippe de recourir à ce processus, dans la droite ligne du programme d’Emmanuel Macron, a suscité récemment son lot de critiques.
L’objectif est pourtant clair. Il s’agit de mettre en oeuvre au plus vite les mesures qui ont été annoncées durant la campagne présidentielle. A cet égard, on déplore trop souvent l’absence de suivi des promesses des candidats, pour ne pas apprécier favorablement cette fois une volonté d’oeuvrer rapidement à la bonne application.
Or, comme d’autres procédés constitutionnels, les ordonnances font l’objet de certaines critiques infondées. Les parallèles sont nombreux entre cet outil et l’article 49 alinéa 3 de la Constitution dont l’utilisation pour les lois Macron (2015) et El Khomri (2016) avait aussi soulevé de nombreuses attaques (voir Le recours à l’article 49 alinéa 3, déni de démocratie ?).
Tout d’abord, il convient de rappeler que les ordonnances sont prévues à l’Article 38 de la Constitution. Il s’agit d’un outil prévu et encadré par notre Loi fondamentale, Loi fondamentale plébiscitée à l’époque par les Français (plus de 80% de « oui » en 1958 et une très forte participation). C’est donc un outil légalement et explicitement offert au Gouvernement. Il s’agit encore une fois de faciliter la gestion des affaires publiques (voir Une nouvelle République : encore ?).
Ensuite, une ordonnance ne conduit pas à évincer le Parlement du processus normatif. En effet, le Parlement intervient à deux moments, en amont et en aval de l’ordonnance. En amont, c’est lui qui donne mandat au Gouvernement pour élaborer un projet précis de texte à partir de lignes directrices préalablement fixées. En aval, c’est lui qui doit ratifier le projet définitif du Gouvernement. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, cette ratification par le Parlement doit être expresse. Or, il est tout à fait possible in fine pour le Parlement de modifier le projet reçu ou même, pourquoi pas, de le rejeter si la version présentée ne le satisfait pas.
Actuellement convoqué en session extraordinaire, le Parlement se retrouve à devoir examiner dans un temps forcément limité un certain nombre de textes. Dès lors, pour permettre un traitement efficace, l’ordonnance peut constituer un outil appréciable. Le risque sinon est de vouloir se saisir de tout au prix d’une perte de qualité. L’adage populaire « Qui trop embrasse mal étreint » s’applique à merveille ici à la mécanique institutionnelle. Ce n’est pas un hasard si interrogé récemment dans une émission politique, le professeur JPh. Dérosier considère que l’utilisation des ordonnances permet de « soulager plus que de contourner » le Parlement.
Enfin, rien n’interdit au Gouvernement de consulter et de travailler avec les partenaires sociaux, en amont de l’ordonnance, mais aussi tout le long de l’élaboration du projet définitif. Il y a même tout intérêt.
Dès lors, sans être attentatoire aux droits du Parlement, l’ordonnance vise à favoriser le travail du Gouvernement, tout en étant parfois utile au Parlement. Il reste – et c’est certainement là la tâche la plus importante – à adopter un texte adéquat et pertinent, loin de la logorrhée législative trop souvent servie.
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