The handmaid’s tale ou la chute de la démocratie

Dame de Fer

(Iron Lady, Kiev, Ukraine – 2010)

A quoi tient la démocratie ? C’est à cette question que s’emploient à répondre les scénaristes au long de la saison 1 de la série américaine The handmaid’s tale, adaptation du livre éponyme.

Et la réponse est dérangeante. A pas grand chose, au fond.

C’est pourtant étrange à première vue car la démocratie, par les institutions stables et les filets de protection sociale qu’elle met en place, semble imperméable au « mauvais temps ». Le navire peut tanguer sous la tempête, mais le cap paraît maintenu. Processus toujours en développement, la démocratie possède suffisamment de souplesse pour s’adapter aux circonstances.

De plus, sans revenir sur l’aphorisme de Winston Churchill, elle est certes imparfaite, mais on ne connaît pas mieux qu’elle. Toutes les tentatives d’organisation différentes ont abouti aux pires tragédies.

Ce n’est certes pas la première oeuvre à décrire cette brusque chute d’un régime qui paraissait si intangible. Le film allemand La vague avait aussi interrogé la facilité des personnes raisonnables à accepter un système inique et autocratique, transposant dans la fiction une expérience sociologique qui avait mal tourné.

Néanmoins, cette série diffusée en 2017 a forcément un écho particulier. Elle résonne avec l’actualité. Dans les berceaux de la démocratie, celle-ci apparaît épuisée par ses années d’exercice. Dans les autres pays, elle est au mieux négligée, au pire abolie (voir 2017 : le crépuscule de la démocratie ?).

Ici, la série décrit une réalité dystopique où une secte religieuse a pris le pouvoir, balayant la démocratie et les droits des individus. Plutôt que la surveillance de masse et la désinformation massive omniprésentes dans 1984 de George Orwell, l’oeuvre privilégie ici les rapports de domination et la codification de nouvelles normes, thématiques abordées via l’introspection de son personnage principal.

Or, ce nouvel état du monde n’est pas arrivé d’un coup. Il a fallu une succession ininterrompue de coups de canifs contre les principes démocratiques qui lient les citoyens entre eux et leur offraient un espace de liberté individuelle. L’enchaînement de ces atteintes est bien représenté, par les souvenirs du personnage principal, qui permettent de voir le basculement d’un monde. Aux attentats succède la loi martiale. Puis, les premières mesures apparaissent. Au moment où certains veulent enfin agir, il est déjà trop tard.

Autre point qui sous-tend la série et qui mérite d’être souligné : la place des femmes. La série a l’intelligence de rappeler que l’égalité entre les sexes est un combat permanent. Que céder sur une partie des acquis revient à accepter tacitement un recul généralisé des droits. A l’heure où les droits des femmes sont contestés, il était de bon ton de mettre en exergue leur importance et les dangers d’une disparition. Une mise en garde bienvenue à l’heure où la lutte pour les droits des femmes a perdu l’une de ses figures les plus emblématiques.

Enfin, la série illustre que la résistance ne se limite pas aux actions d’envergure et aux coups d’éclat. Parfois, de simples refus produisent des effets plus dévastateurs sur l’ordre établi.

Peut-être ces paroles prononcées par le pasteur Martin Niemoller devraient être sans cesse rappeler :

« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit,
je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit,
je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »


Sur les séries TV, voir aussi House of cards et les autres : des visions plurielles de la politiqueHouse of Cards et la politique de la peurBrain Dead ou le néant de la politique et Uchronie télévisée : The man in the high castle

Sur les femmes et la dystopie, voir La femme dans la dystopie

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