(Affichage en souffrance – Université de Paris II – 2017)
Le premier tour de l’élection présidentielle française de 2017 a confirmé ce que tout le monde pressentait, l’affaiblissement inédit du Parti socialiste. Benoît Hamon a atteint péniblement 6% des voix, plus proche du score de Nicolas Dupont-Aignan que de son ancien concurrent Jean-Luc Mélenchon qui triple ce chiffre.
Il n’a pas fallu longtemps pour que de nombreux éditorialistes et hommes politiques déclarent, pour le déplorer ou s’en réjouir, le décès de celui qui fut longtemps le premier parti à gauche. Si le diagnostic est plutôt partagé, il faut tempérer les analyses parfois hâtives issues d’un moment précis.
La politique n’est pas une science exacte. En 2008, par exemple, après le désastreux Congrès de Reims qui opposa Ségolène Royal et Martine Aubry, nombreux furent ceux qui annoncèrent la fin programmée du Parti socialiste, incapable dorénavant d’accéder au pouvoir. Seulement quatre années ont suffi pour faire déjouer les pronostics de l’époque.
Or, cette situation n’est pas nouvelle pour la gauche et a déjà été surmontée par le passé. Après tout, le Parti socialiste est né des décombres de l’ancienne SFIO qui s’est éteinte dans l’indifférence quasi générale. Cette fin programmée avait été provoquée par le résultat catastrophique de Gaston Deferre en 1969. Pas plus que les autres institutions, les partis politiques ne sont éternels, ils disparaissent donc et renaissent parfois au gré des fluctuations de l’opinion et des changements de dirigeants.
De plus, le Parti socialiste a subi comme d’autres avant lui, l’usure du pouvoir. Il convient de rappeler que pour la première fois, le candidat logique à l’élection, c’est-à-dire le Président de la République, n’a pas pu se présenter faute d’un quelconque soutien.
Pour autant, la défaite de 2017, par plusieurs aspects, se distingue du fiasco de 1969 et pourrait cette fois écarter durablement la « gauche modérée » du pouvoir. Le Parti socialiste affronte aujourd’hui à la fois contestation externe et une crise interne.
D’une part, une contestation externe. Si ce parti avait l’habitude de connaître une concurrence à gauche, celle-ci s’était peu à peu effacée depuis l’arrivée de François Mitterrand à sa tête. Or, depuis 2012, Jean-Luc Mélenchon est un adversaire autrement plus important, obtenant des scores à deux chiffres. Pire, l’émergence d’Emmanuel Macron a ajouté une concurrence sur l’aile droite qui a contribué à l’évaporation de l’électorat du Parti socialiste. Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs parfaitement décrit cette stratégie de pression de chaque côté pour provoquer sa dislocation, espérant en tirer des bénéfices personnels.
D’autre part, une crise interne. Le quinquennat passé a aggravé la ligne de fracture entre les deux tendances historiques du Parti. Cet affrontement permanent et persistant qui s’est souvent traduit par la victoire de la ligne « de l’aile droite » du Parti sur sa pendante de gauche (tournant de la rigueur en 1983, position sur le Traité constitutionnel de 2005, virage du quinquennat en août 2014) a fini par provoquer une rupture au sein de la majorité. Un certain nombre de députés de gauche (dont Benoit Hamon) ont cherché à renverser un gouvernement de leur couleur politique. Benoit Hamon justement a beau jeu d’être surpris de la « trahison » de ses anciens camarades. Lui-même n’avait pas respecté la direction prise par ses collègues, direction choisie par une majorité.
Or, cette double crise pourrait affecter durablement la possibilité d’un retour au pouvoir de la gauche de gouvernement, qui recule partout en Europe : disparue en Grèce avec l’émergence de Syriza, concurrencée en Espagne par Podemos (voir Gauches européennes : le renouveau ou la disparition).
Et de cela, personne ne devrait pouvoir s’en réjouir. Que le quinquennat qui vient de se clore se soit soldé par son lot d’erreurs, c’est certain. Qu’une partie de la gauche refuse toujours le pouvoir et ses responsabilités préférant la contestation et ses opportunités, c’est triste. Que les électeurs se retrouvent avec comme seul choix le centre et les extrêmes, ce serait, il me semble, dommage.
Toujours traversé par la division autour de la question européenne (voir La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B), le Parti socialiste se retrouve désormais au bord de l’abîme et la gauche dans son ensemble avec lui.
Voir aussi Primaires ouvertes : rétrospective sur les victoires d’Hamon et de Fillon
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