(Ukraine – 2010)
Récemment, l’éventualité d’une Europe de la défense a créé, campagne présidentielle oblige, quelques remous en France.
En effet, la question militaire reste un sujet hautement régalien et symbolique, particulièrement en France. A cet égard, la France est l’un des derniers pays à célébrer les « victoires » militaires. Deux jours fériés sont d’ailleurs prévus à cette fin : le 11 novembre (Première Guerre mondiale) et le 8 mai (Seconde Guerre mondiale). Au demeurant, la France est le seul pays démocratique à organiser un défilé militaire – le 14 juillet.
En parallèle, si l’Europe a été un sujet de prédilection de l’élection présidentielle de 2017, il s’agissait pour beaucoup de positions contraires au projet européen. On a certes jamais autant parlé d’Europe, on en a surtout jamais aussi mal parlé (voir Election présidentielle : l’Europe, combien de divisions ?).
La campagne étant finie, il paraît temps d’aborder la question de l’Europe de la défense. Cet article s’inscrit – hasard du calendrier et des discours politique – dans la continuité de l’appel lancé par Angela Merkel aux Européens pour prendre leur destinée en mains.
Déjà, force est de constater que une telle idée est loin d’être nouvelle. En 1954, un projet d’une Communauté européenne de défense avait vu le jour. D’une audace encore inégalée, cette ambition avait été coulée par la France justement – tiens, tiens -, et plus particulièrement par une alliance de circonstances entre gaullistes et communistes. Cet échec avait fortement affecté la construction européenne (voir Traité de Rome : sexagénaire Europe) et refroidi longtemps les ardeurs dans ce domaine .
Le projet d’aujourd’hui est clairement en deçà des objectifs initiaux. Les grands rêves fédéralistes sont depuis longtemps remisés au placard, et on préfère reprendre la vieille stratégie des petits pas. Néanmoins, ce positionnement prudent pourrait s’avérer la meilleure chance d’établir enfin les prémisses d’une force armée européenne.
Pourtant, malgré sa portée mesurée, cette idée a suscité une levée de boucliers, à gauche comme à droite. Les critiques tournent autour de deux arguments. Ce projet porterait une atteinte insoutenable à la souveraineté de la France. Et il conduirait à un alignement permanent sur les Etats-Unis.
Tout d’abord, sur l’atteinte à la souveraineté française. Étant donné la sensibilité de la matière, il est fort probable qu’un tel projet se fera avec la règle de l’unanimité, c’est-à-dire qu’un pays peut à tout moment s’y opposer et bloquer l’ensemble du processus – avec, pourquoi pas, pour les pays intéressés, la possibilité de monter une coopération renforcée -.
Avec un tel système, on risque certes souvent la paralysie générale ; mais, on peut espérer que se dégagent parfois des compromis.
Dans tous les cas, l’argument d’une perte de souveraineté ne semble pas pertinent, sauf à envisager comme certains l’hypothèse extrême d’une souveraineté absolue qui n’a plus cours aujourd’hui (voir La droite et l’Europe : une question de souveraineté ?).
Autre argument qui recoupe un peu le premier, l’alignement automatique sur les Etats-Unis. Pourquoi en serait-il forcément ainsi ? Il est vrai que certains Etats sont des alliés naturels des Etats-Unis et font plus confiance à ces derniers pour leur sécurité. Mais, justement, c’est en construisant un contre-poids en Europe, qu’on peut parvenir à renverser cette tendance. Pour avoir refusé la Communauté européenne de défense, la France a favorisé justement une alliance militaire sous influence américaine : l’OTAN. Faute d’avoir construit avec ses partenaires naturels une véritable politique dans ce domaine, l’action militaire en Europe est extrêmement dépendante des Etats-Unis, comme l’ont confirmé l’appui militaire américain pour les frappes aériennes françaises et anglaises en Libye et en Syrie.
Sur la pensée gaullienne, il faut rappeler deux évidences. Jamais le premier Président de la République n’a quitté l’OTAN – seulement son commandement intégré. Jamais non plus il n’a envisagé un rapprochement avec Moscou comme contre-poids aux Etats-Unis (voir Election présidentielle 2017 : tous gaullistes ?).
En attendant, l’appartenance de la France et de l’Allemagne à l’OTAN ne les ont pas contraint à suivre les Etats-Unis en Irak. Le système d’alliance de l’OTAN fonctionne davantage sur sa partie défensive, si un Etat est attaqué.
Aux Européens donc de mettre sur pied une alliance alternative qui pourra être complémentaire des Américains, mais qui saura aussi être autonome de cette dernière. Ce projet déjà nécessaire en temps normal est devenu primordial à l’heure de la Présidence de Donald Trump (voir Trump : une chance pour l’Europe ?).
L’Europe de la défense peut constituer les fondations d’une véritable Europe puissance. Car il ne faut pas se leurrer, il ne peut y avoir de soft power efficace sans possession en dernier recours d’un hard power (voir Europe : une puissance internationale ?).
Pour Info , il y a d’ autres pays UE qui organisent un défilé militaire pour leur fête nationale Belgique , Luxembourg …
La coopération renforcée est certainement la voie a suivre pour la défense . Comme l’ Europe dépend militairement des US a ce stade , force est de procéder en même temps a une redéfinition de l’ alliance atlantique et en m^me temps mettre en place l’ Europe de la défense . Comment et avec qui c’est toute la question
J’aimeJ’aime
Merci Michel de rappeler Belgique et Luxembourg. Personnellement j’avais tout de suite pensé à « Trooping the Color » célébration annuelle des forces britanniques en présence de la souveraine.
J’aimeJ’aime
« l’appartenance de la France et de l’Allemagne à l’OTAN ne les ont pas contraint à suivre les Etats-Unis en Irak. »
C’est parfaitement exacte. Mais je vais me faire l’avocat du diable (car je soutiens le fond) la seule et unique fois que l’article 5 de l’OTAN a été utilisé (celui qui justement impose d’aider, y compris militairement, un État attaqué) c’est par les États-Unis pour attaquer l’Afghanistan.
J’aimeJ’aime