(Plafond – Château de Fontainebleau – France, 2012)
2016 avait vu la montée des populismes en Europe et dans le monde, symbolisée par deux victoires inédites, celle – attendue – du Brexit et celle – surprenante – de Donald Trump. L’Europe paraissait confrontée à un défi sans précédent qui menaçait l’unité et la viabilité du projet européen (voir Halte à l’Europe des populismes !).
Or, les récentes élections présidentielles en Autriche et en France, et législatives aux Pays-Bas ont toutes été marquées par la défaite des populistes. Cet enchaînement d’échecs est loin d’être anodin. En effet, quelques mois auparavant, les sondages révélaient des estimations favorables à ces formations politiques.
Que s’est-il passé ? Comment interpréter ce soudain recul ?
Une partie de l’explication réside dans la question européenne. Les populistes ne sont pas parvenus à surmonter le défi de l’Union européenne. A cet égard, les atermoiements des responsables du Front national sur le sort de l’euro au cours de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle 2017 et qui se poursuivent aujourd’hui sont révélateurs de l’obstacle auquel est confronté le FN. Par habitude ou par conviction, la population est majoritairement attachée à la monnaie unique. Dès lors, convaincre les Français de voter pour ses candidats tout en militant pour une telle idée relève de la gageure.
Outre les débats autour de l’euro, l’appartenance même à l’Union européenne n’est plus envisagée de la même manière par le Front national. Désormais, la sortie est programmée, mais seulement après négociations à Bruxelles et référendum national. Il n’y a donc plus de sortie automatique puisque le peuple peut à tout instant la rejeter. Or, il est probable que les Français se prononceraient contre un Frexit.
Les Français, comme les autres peuples de l’Union européenne, sont des eurocritiques. Ils dénoncent régulièrement les travers de cette construction, mais ils veulent continuer à s’inscrire dans ce projet. Pour vivre ensemble, l’Europe, c’est encore ce que les Hommes auront fait de mieux depuis qu’ils sont apparus sur le continent.
Dès lors, le FN se retrouve devant un problème insoluble. Echouer avec des idées minoritairement partagées ou changer de logiciel pour conquérir le pouvoir. Ce dilemme est loin d’être spécifique au Front national. Le FPO, parti d’extrême-droite autrichien a pu approcher du pouvoir, en refusant tout Oxit (sortie de l’Autriche de l’Union européenne) et en acceptant la monnaie unique. De même, malgré leurs critiques récurrentes contre l’Union européenne, les autres mouvements populistes sur la scène continentale au pouvoir (Pologne, Hongrie, …) évitent soigneusement de prôner une sortie de celle-ci, trop coûteuse électoralement.
Par ailleurs, les victoires des mouvements populistes en 2016, loin d’avoir un effet domino, ont suscité une réaction inverse. En effet, le Brexit a montré que face aux problématiques complexes de notre monde, les solutions simplistes étaient au mieux insatisfaisantes au pire inadaptées. A cet égard, loin de se traduire par un éclatement de l’Union européenne, c’est le Royaume-Uni qui semble plus proche de la rupture interne (voir 3…2…1… Brexit !). Quant à ses têtes d’affiche, Nigel Farage et Boris Johnson, ils ont peu ou prou disparu (voir Qu’arrive-t-il au camp du Brexit ?).
Les attaques répétées de part et d’autre du continent et la menace crédible d’une dislocation de l’Union européenne et de la zone euro ont suscité, en réaction, un sentiment d’appartenance à cette communauté de destin. A cet égard, force est de constater que depuis le Brexit, les initiatives de la société civile ne cessent de se multiplier. Ainsi, le mouvement Pulse of Europe, simple réunion de citoyens sur les places publiques, a par exemple essaimé dans toute l’Europe. L’objectif ? Témoigner de son attachement à la construction européenne.
Après 2016 annus horribilis, un espoir survient. Peut-être était-il naturel que la tendance s’inverse. Après l’acte I « L’Europe à l’épreuve des populismes », place à l’acte II « Les populismes à l’épreuve de l’Europe ». Et dans cette épreuve, pour l’heure, c’est l’Europe qui sort vainqueur.
Voir aussi Démission de Florian Philippot : la faute à l’Europe ?
Bonjour,
vous écriviez dans les commentaires du journal le monde que « les populismes sont en recul partout ». Pourtant, si le fn en France et le FPÖ en Autriche ont échoué aux portes du pouvoir, il n’en reste pas moins que ces deux partis n’ont jamais eu des scores aussi élevés (46,2% au deuxième tour pour le FPÖ). Au Royaume-Uni, les libéraux democrats (les seuls à ma connaissance à avoir demander un nouveau referendum sur le brexit) ont perdu des sieges, tout comme le SNP écossais pro UE. Concernant les présidentielles francaises, ells ont vu, outre la progression du fn, un basculement manifeste de Mélenchon vers le souverainisme (et si ce dernier n’était pas au second tout, il a tout de meme progressé de 8 points par rapport à 2012), mais aussi une progression de Debout la France qui atteignit Presque le seuil des 5%. Il me parait donc un peu présomptueux de parler d’une victoire de l’UE comme vous l’indiquez dans votre article…
Cordialement,
un eurosceptique ouvert au débat
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Je suis tout aussi ouvert au débat dès lors qu’il s’inscrit dans un cadre respectueux.
Je ne nie aucun des faits que vous mentionnez. Il est vrai que le FN fait son meilleur score. Il est vrai aussi que le FPO a été extrêmement proche d’arriver au pouvoir.
Et pourtant…
Et pourtant, Marine Le Pen était donnée à plus de 40% des voix. Elle s’est retrouvée à 33% et les hésitations autour de l’euro n’y sont pas étrangères. Jean-Luc Mélenchon a certes gagné 8 points. Mais, il lui a manqué 600000 voix comme il se plaît à le souligner. Et je pense que ces éléments ne doivent rien au hasard. Je crois que c’est justement le positionnement sur l’Europe de Mélenchon qui lui a coûté ces voix. A l’inverse, je ne pense pas que s’il avait été plus « européen », il aurait perdu sa réserve de voix. Quant à DLF, j’y vois plus un score d’opportunité du notamment à la candidature de François Fillon qui a détourné une partie des électeurs traditionnels de la droite.
Quant au cas britannique, je ne pense pas que les élections britanniques de 2017 se soient jouées sur le Brexit. C’était le souhait de Theresa May, et son erreur justement. Le Labour a surtout joué sur des questions internes (inégalités, SP…) qui n’ont rien à voir avec l’Europe. La population est toujours partagée sur cette question. Je ne dis pas qu’une majorité se dessine pour rester dans l’UE. Je pense juste que la situation est toujours aussi complexe. A titre personnel, je suis pour une sortie du Royaume-Uni car je pense qu’ils ont trop ralenti la construction européenne et qu’ils peuvent constituer un exemple intéressant (voir Brexit : une bonne chose pour l’Europe ? . Si leur entreprise de retrait échoue ou se solde par un recul de la croissance, cela montrera qu’il vaut mieux être dedans que dehors. C’est certes un pari. Mais, il me semble que c’est le meilleur moyen de rappeler les atouts de l’UE.
Après, je ne défends pas l’UE envers et contre tout. Elle est imparfaite, je le reconnais. Mais, pour autant, elle me semble une base de départ suffisante pour construire ensemble un avenir partagé. La France comme Etat ne s’est pas faite en un jour. L’Europe comme organisation nese fera pas d’un coup.
Cordialement
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