Politique commerciale commune : sortir de la crise ?

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(Exposition d’inauguration – Centre Pompidou-Metz, 2010)

L’avis de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 16 mai 2017 à propos de l’accord commercial entre Singapour et l’Union européenne risque de bouleverser durablement l’organisation de la politique commerciale commune.

En effet, la Cour de justice a considéré que ce traité était un accord mixte, en raison notamment de la procédure de règlement des différends entre Etats et entreprises. Ce raisonnement est extensible à l’ensemble des accords dits « de nouvelle génération ». Derrière ce jargon juridique, se trouvent d’importantes conséquences pratiques. Un tel accord, en plus d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen, doit être ratifié par l’ensemble des vingt-huit Etats membres selon leurs règles constitutionnelles respectives. Forcément, la procédure en est considérablement rallongée. En France, le traité doit passer devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Dans les Etats fédéraux, il convient d’ajouter le vote des entités fédérées.

Or, 2016 avait déjà marqué par la réticence accrue des responsables politiques nationaux à endosser les négociations commerciales menées par l’Union européenne. Il y avait eu l’opposition frontale au TAFTA/TIPP – projet d’accord commercial avec les Etats-Unis – menée par la France, qui visait à retirer le mandat de négociation de la Commission. Il y avait eu aussi le blocage temporaire du CETA – accord commercial avec le Canada – par le Parlement wallon (voir CETA : la fin de la politique commerciale commune ?).

La possibilité d’un blocage au niveau de la ratification, après des années de négociations, par l’un quelconque des parlements risque fort de repousser l’intérêt de nos partenaires pour conclure ce type d’accord. Bon courage à Theresa May qui doit, avant le départ effectif du Royaume-Uni, parvenir à obtenir un tel traité.

Pourtant, depuis le Traité de Lisbonne (de 2007, ratifié en 2008), l’Union européenne était censée disposer d’une compétence exclusive dans le domaine de la politique commerciale.

A l’époque, cette extension offerte par les textes avait été acceptée par l’ensemble des Etats membres sans d’ailleurs susciter de réels débats. En effet, dans un monde dominé économiquement par quelques grandes puissances (Union européenne, Etats-Unis, Chine), la représentation commerciale des pays européens paraissait mieux assurée si elle était organisée en commun. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les négociations Etats-Unis/Suisse pour comprendre la difficulté pour cette dernière de parvenir à un compromis équitable et répondant à ses intérêts face à un partenaire de cette envergure.

Cette compétence reconnue à l’Union européenne justifiait par conséquent qu’un accord international dans ce domaine soit discuté et adopté au seul niveau européen.

A cet égard, il convient de rappeler que le niveau européen ne signifie pas une absence des Etats dans le processus de négociation. Contrairement à une croyance bien commune, ce n’est pas la Commission généralement évoquée par l’expression floue de « Bruxelles » qui décide. Certes, la Commission représente généralement l’Union dans les discussions pour obtenir un accord. Mais, c’est au titre d’un mandat et selon les orientations décidées par le Conseil que la Commission agit. Or, ce Conseil est composé par les vingt-huit Etats membres. Evidemment, celui-ci est aussi informé régulièrement de l’avancée des négociations. Plus important encore, c’est lui qui doit avaliser le traité obtenu par la Commission. S’il refuse le traité présenté par la Commission, il ne peut y avoir d’accord.

Outre l’approbation des Etats, le traité doit aussi obtenir l’autorisation du Parlement européen, dont les membres sont directement élus par les citoyens européens.

Malgré cela, les règles acceptées en 2007 apparaissent aujourd’hui inadaptées à répondre à la défiance croissante des citoyens à l’égard de ces accords. Par le nombre d’Etats qu’ils engagent et le nombre de domaines qu’ils régissent, ces accords font l’objet, à tort ou à raison, de vives critiques.

En parallèle, les instruments de défense de l’Union européenne apparaissent insuffisants dans les nouvelles confrontations économiques et devant l’ampleur prise par certains pays qui ne jouent pas toujours le jeu du commerce international.

La clarification apportée par la Cour de justice à propos des accords dits « de nouvelle génération »  offre justement l’opportunité pour les responsables européens et nationaux de mener une réflexion d’ampleur sur les modalités de la politique commerciale de l’Union européenne. La viabilité et la crédibilité de cette politique ne seront préservées que si l’Union arrive à mieux prendre en considération, le plus en amont possible, les inquiétudes de la société civile, et à se doter, en aval, d’outils de protection. Tout un programme.


Sur ce sujet, voir aussi CETA : incompréhension durable et TAFTA : chronique d’un échec attendu

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